Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/969

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc bonne grace à se plaindre si amèrement des prérogatives constitutionnelles qu’ils rencontrent dans la diète ? » Ces faits sont exacts ; l’organisation municipale des villes, qui remonte au moyen-âge, est défectueuse de tous points et peut justement prêter à ces représailles d’accusations que l’orateur hongrois ne leur épargnait pas. — Un Français conclurait de tout cela qu’il fallait réformer à la fois et l’organisation de la diète et celle du conseil électoral de Pesth, mais la question avait une autre face. Les habitans des villes sont, pour la plupart, allemands ou, du moins, n’appartiennent pas à la race magyare. Les Hongrois, comme leurs pères, les Scythes, sont un peuple pasteur. La civilisation lui a enseigné l’agriculture ; mais le séjour des villes, le commerce et les professions de l’industrie sont restés contraires à sa nature. Ce sont les autres races qui ont peuplé les villes et occupent les professions industrielles. Les Juifs et les Grecs ont accaparé le commerce presque entier et sont devenus les intermédiaires obligés dans toutes les transactions. Les Allemands se sont partagé les diverses industries, et un certain nombre de Slaves les métiers inférieurs, auxquels leur merveilleuse faculté d’imitation les rend particulièrement propres. On peut donc dire que la population des villes, c’est-à-dire tout ce qu’il y a de tiers-état en Hongrie jusqu’à présent, est allemand, ou du moins n’est pas hongrois. Ce n’était donc pas seulement une prérogative nobiliaire que défendaient les députés en s’opposant à l’extension du vote des villes, c’était encore une question de nationalité. Cette complication se retrouve partout.

Le gouvernement autrichien avait pris le beau rôle dans la discussion ; il s’était fait le patron avoué des villes libres ; ses partisans, surtout en Allemagne, où les rapports d’origine excitaient la sympathie générale pour la cause municipale, ne manquaient pas de faire contraster les sentimens libéraux qui l’animaient avec les préjugés et les prétentions tyranniques de la noblesse hongroise. Les journaux allemands ne cessaient d’agiter cette question de la représentation des villes ; ils s’efforçaient de donner du retentissement aux discours que leurs députés tenaient à la diète, et faisaient avec assez peu de fond une réputation d’éloquence à MM. Vaghi et Toperczer. Animé par ces éloges, et se sentant soutenu par l’opinion publique dans ses autres états, le gouvernement autrichien eut un instant la pensée de trancher la question soulevée par les villes royales ; mais la constitution offrait-elle, sinon des autorités, au moins quelques prétextes pour motiver cette justice dictatoriale ? Un publiciste hongrois, le baron de S…, fut chargé, de rédiger pour la conférence d’état un mémoire sur cette question de droit public, qui a occupé aussi les esprits en France dans les dernières années de la restauration. La souveraineté, ou tout au moins celles de ses prérogatives qui ne sont pas clairement réparties par la constitution, résident-elles