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faire préjuger la volonté de l’assemblée sur le droit constitutionnel de la noblesse de n’acquitter ni taxe ni impôt. — La discussion avait été vive et longue ; les esprits restaient partagés, et le vœu de la majorité ne se prononçait par aucune de ces démonstrations bruyantes qui rendent aussi impossible qu’inutile de compter la minorité ; la conscience scrupuleuse du palatin n’osa, cette fois, se fier à son instinct et proclamer, sans le vérifier, le sentiment de l’assemblée ; il lui fallut ce jour-là quelque chose de plus positif que la rumeur des voix et le retentissement des sabres. Son impartialité n’aurait été soupçonnée de personne, mais précisément cette impartialité lui défendait de prononcer quand il n’était pas suffisamment convaincu. Il déclara qu’il voulait à tout prix arriver à constater exactement la volonté de l’assemblée. Grace à ces instances personnelles du palatin, grace à l’entraînement de l’opinion publique excitée sur ce sujet par les prédications de Széchény, et impatiente d’arriver à un résultat, on se laissa persuader. Sans se prononcer sur le droit, sans entamer d’interminables discussions sur les prérogatives des diverses fractions de l’assemblée, le président ouvrit un registre sur lequel on inscrivit l’opinion de chaque député interrogé à haute voix. C’est ainsi que la question fut tranchée, mais non résolue. Le palatin avait d’ailleurs eu toute raison d’hésiter, puisqu’il ne se trouva que six voix de majorité pour l’adoption du projet. Seulement, de ce jour, les vieux patriotes purent se dire : « Les dieux s’en vont ! » Et il fallut s’attendre à ce que des réclamations incessantes s’élèveraient dans la diète, au nom de tous les principes sacrifiés dans l’ancienne législation.


II – LES VILLES LIBRES

La première attaque vint d’une classe à laquelle le moyen-âge n’avait pu assigner une part de souveraineté, car elle n’existait pas alors je veux parler du tiers-état, représenté par les habitans des villes libres. Le gouvernement royal avait favorisé sans cesse leur émancipation et leur progrès, comme nos rois en France l’affranchissement des communes. Les villes avaient successivement conquis leur liberté ; quelques-unes s’étaient rachetées à prix d’argent des seigneurs dont elles dépendaient ; d’autres, placées sous la domination directe du roi et du palatin, s’étaient organisées comme les villes libres de l’Allemagne au moyen-âge. On s’obstinait à la diète à les traiter comme des sujets que la protection royale avait soustraits à l’autorité d’un maître légitime. « Où s’arrêteraient, disait-on, ces concessions de privilèges ? » Le nombre des villes affranchies allait croissant ; en vain les diètes avaient plusieurs fois décrété que le roi ne pourrait l’augmenter, ou