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de l’autre ? — C’est en effet ce qui a été pratiqué dans les derniers temps, mais en soulevant mille réclamations, et contrairement aux diètes du XVIIe siècle, où il n’y avait qu’une seule assemblée. — La diète a-t-elle le droit d’initiative en dehors des propositions royales ? Non, disent les partisans de la prérogative ; oui, disent les autres, mais ce droit n’appartient qu’à la seconde chambre : selon la doctrine du parti avancé, le rôle de la chambre des magnats se réduirait à une sorte de droit de veto. — Les magnats anciens ou nouveaux siégent-ils ipso facto, ou faut-il que, selon l’ancienne formule, ils soient convoqués par des lettres royales ? Peuvent-ils troubler d’une double façon les délibérations de la diète en ne venant pas siéger à la première table et en envoyant leurs mandataires siéger à la seconde ? Sur toutes ces questions, et sur tant d’autres, dont s’inquiète un esprit français, il n’y a, je le répète, que doute et obscurité. Dans les lois, aucun texte précis ; dans les précédens, tout ce qu’on y veut trouver.

Autre cause de confusion : chaque député de comitat a avec lui et auprès de lui, dans la salle même de la diète, deux ou trois secrétaires nommés par les comitats et chargés de les tenir au courant des travaux de l’assemblée. Cette population jeune et remuante assiste aux séances, confondue avec les députés, prenant part à toutes les délibérations, au moins par ses cris, ses marques bruyantes d’approbation ou d’improbation. Elle exerce non pas seulement dans l’enceinte législative, mais au dehors, sa tyrannie un peu turbulente ; elle a des ovations pour ses favoris et des charivaris pour les autres. La tolérance abusive qui l’associe aux privilèges de la diète rend toute police impossible.

A l’une des dernières diètes, le personnal, président de la chambre des états, fit une rude expérience des caprices de cette jeunesse dorée. Quelques-uns de ces écrivains avaient donné, pendant la nuit, un charivari au successeur d’un député de l’opposition. Le personnal, au nom du palatin, engagea MM. les députés « à les ramener au bon ordre, sans quoi il serait obligé de prendre quelque mesure sévère. » À ces mots, un tumulte effroyable éclata dans la salle ; on somma de toute part le président de retirer des menaces attentatoires, disait-on, aux droits de la représentation nationale, puisque les secrétaires, aussi bien que les députés, reçoivent des saufs-conduits pour se rendre à la diète. Les orateurs les plus renommés, Déak, Klausàl, Szenthiràly, ne dédaignèrent pas ce moyen d’augmenter leur popularité, en prenant chaleureusement la défense des jeunes gens incriminés. Le président, effrayé de l’orage qu’il avait soulevé, comprenait, mais trop tard, à quelle puissance il s’était attaqué ; il attendait, en levant les yeux au ciel, la fin de la tempête pour faire amende honorable. « Messieurs, dit-il avec une sorte de bonhomie, j’ai voulu seulement que la chambre sût ce qui s’est passé ; mais loin de moi la pensée de gêner la liberté des personnes