Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/95

Cette page a été validée par deux contributeurs.

science veut faire sortir le nouveau code international des peuples. Qui oserait contester la gravité de cette théorie à la vue de toutes les agitations dont elle couvre l’Europe, du Rhin à la Vistule et des Alpes à la mer Noire ? L’idée de race contient en germe, nous n’en doutons point, des rénovations inattendues, le rajeunissement de nations vieillies et tenues pour mortes, et, si l’on veut, une refonte de l’Europe sur des bases rationnelles et solides. Que l’heure désirée de ces grandes choses arrive, et pour notre part nous la saluerons de tout notre enthousiasme. Voici même un moyen assuré d’en hâter la venue, et nous le conseillons cordialement à l’Allemagne : ce serait d’abord de renoncer pour elle-même, par un bel acte de désintéressement, à sa domination peu aimée sur l’Italie septentrionale, sur Trieste et l’Illyrie, sur la Bohême, la Pologne et la Hongrie ; ce serait ensuite de réaliser son unité sur son propre territoire, de détruire les trente-huit souverainetés locales dont la confédération est formée, d’absorber dans son vaste sein les petits états et les grands, de faire disparaître l’Autriche, la Bavière, la Saxe, le Wurtemberg, la Prusse et le reste, afin de n’être plus qu’un seul corps avec une seule tête. Oh ! assurément, le jour où Francfort aurait accompli ce grand sacrifice d’une part et ce grand travail de l’autre, le germanisme victorieux pourrait légalement entretenir l’Europe des droits de la nouvelle Allemagne sur le Holstein.

Par malheur, ce jour n’est pas venu, et l’histoire contemporaine de l’Allemagne nous en fournit partout les preuves. Qui donc, en effet, vient d’accomplir un nouveau partage de la Pologne dans le duché de Posen, alors même qu’il semblait le plus convenable de ménager cette grande victime ? Par quelle main le sang des Bohêmes a-t-il coulé dans les rues de Prague désolée ? Quels sont les ennemis les plus ardens de l’indépendance italienne ? Et quant à la constitution intérieure de l’Allemagne nouvelle, par combien de vicissitudes, combien de luttes intestines ne devra-t-elle point passer peut-être avant d’arriver à la réalisation de cette unité que tant de siècles accumulés n’ont pu former, et à laquelle le présent oppose encore des obstacles si puissans ?

Le démembrement du Danemark au profit de l’Allemagne n’est donc pas plus autorisé par les droits naturels de la race que par les droits écrits des traités. Les diplomates de la Prusse et de la confédération sont ainsi condamnés par le bon sens et par la raison publique à se renfermer dans le cercle des conventions modernes et des convenances actuelles, sans remonter dans le passé jusqu’au moyen-âge et sans se placer par anticipation dans un avenir qui s’annonce à peine. La diplomatie des puissances ne manquera point de placer la question sur ce terrain, et par ce seul fait la question se trouvera résolue dans le sens danois, car l’histoire et les stipulations des traités sont précises : le Schleswig appartient de plein droit et à perpétuité au Danemark, et le Holstein doit