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nationalité et ces conditions de l’indépendance danoise. La France et l’Angleterre en 1720, la Russie en 1773, ont garanti au Danemark la possession paisible et perpétuelle du Schleswig. Aucun traité de date plus récente n’a infirmé cette garantie, qui vient d’être renouvelée par la France elle-même. Quant au Holstein, l’union absolue de ce duché au Danemark a été consommée en droit et en fait, en 1806, au moment de la dissolution de l’empire germanique. Lorsque la confédération se reconstitua sur de nouvelles bases, en 1815, le roi de Danemark en redevint membre à titre de duc de Holstein, mais sans que son droit de possession sur ce territoire fût mis en discussion ou révoqué en doute, et, si grand que fût de la part du Danemark le crime d’avoir été le plus fidèle allié de la France, ce n’était pas le lendemain du jour où il avait perdu la Norvège avec le seul duché de Lauenbourg pour compensation, ce n’était pas le lendemain de ce funeste démembrement de la monarchie danoise, que le congrès de Vienne eût pu avoir la pensée de rendre pour elle la possession du Holstein temporaire et conditionnelle. L’Allemagne de 1815, irritée contre le Danemark, son ennemi de la veille, et armée de la force victorieuse, n’a songé alors à réclamer ni l’indépendance du Schleswig et du Holstein, ni leur éternelle union, ni même l’hérédité mâle. Pourquoi n’a-t-elle mis en avant aucun de ces droits prétendus, si ce n’est parce qu’elle n’en soupçonnait pas l’existence et qu’elle reconnaissait une monarchie danoise indépendante et indissoluble dont la souveraineté législative était simplement limitée par celle de la diète germanique dans le Holstein ?

À la vérité, les temps sont bien changés depuis l’établissement du pacte de 1815, et l’Allemagne nouvelle semble avoir hâte de s’affranchir de l’esprit qui l’a dicté. On ne saurait nier d’ailleurs qu’en modifiant aujourd’hui ce pacte, elle n’obéisse à une intention libérale qui ne manque point tout-à-fait d’essor. Ce mouvement des intelligences vers l’unité, fût-elle impossible dans le présent, donne des droits nouveaux à ceux qui le dirigent et cherchent à le centraliser. L’Allemagne, travaillant à devenir unitaire, a le droit incontestable d’exiger des états fédérés, quant à leur souveraineté, des concessions mesurées sur le degré de consistance qu’elle pourra prendre dans l’opinion des peuples allemands. Ce droit, nous le reconnaissons ; mais le Danemark, dès l’origine de la révolution allemande, n’est-il pas allé spontanément au-devant des exigences de l’Allemagne ? Loin de faire opposition aux progrès de l’unité germanique, n’en a-t-il pas reconnu hautement la légitimité ? S’il croit devoir s’unir le Schleswig par une constitution unitaire, ne laisse-t-il pas le Holstein libre de s’associer plus étroitement de son côté aux évolutions de la pensée allemande ?

Reste sans doute la grande théorie de l’avenir, la question de l’unité réelle et corporelle de l’Allemagne, le droit des races d’où la