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« Je supplie votre excellence de vouloir bien peser dans sa sagesse ce dernier effort des quatre cours pour écarter notre demande d’ajournement. Je la supplie de réfléchir que cet effort succède à plusieurs concessions arrachées, après trois jours de luttes incessantes, dans la rédaction des actes soumis à notre approbation, et j’espère qu’elle comprendra que je ne puis me porter garant de maintenir intacte et de retrouver plus tard la situation qu’ont faite les derniers huit jours… »

Et plus loin :

« … Brunow compte encore que nous ferons aboutir les mauvaises pensées de la Russie. Le prince Esterhazy est venu ce matin me supplier de vous dire qu’il est plein d’estime pour votre nom, votre caractère, que le roi connaît aussi son respectueux dévouement pour sa personne ; il vous supplie tous deux de prendre la situation actuelle dans la plus sérieuse considération. Si l’avenir reste ouvert au chapitre des événemens, il n’y a plus à répondre de quoi que ce soit. »

M. Guizot ne se laissa pas émouvoir par tant d’instances.

« … C’est précisément parce que nous voulons la paix et la conclusion réelle et définitive de la question turco-égyptienne, gage de la paix, que nous croyons qu’il ne faut point, à cet égard, se payer d’apparence, et c’est dans l’intérêt de tous que nous insistons pour que personne ne s’expose aux embarras, fort graves peut-être, que la précipitation pourrait entraîner[1]. »

M. Guizot se résolvait enfin à un parti intermédiaire. Pour témoigner de son intention formelle d’adhérer au texte de la convention projetée, sans prendre toutefois un engagement formel que les circonstances ne comportaient point, il proposa d’apposer à la convention le paraphe des plénipotentiaires, et d’ajourner la signature au moment de l’arrangement définitif des affaires d’Orient.

La proposition de M. Guizot ne souleva à Londres aucune difficulté : « Le fait vraiment important, avait dit lord Palmerston à M. de Bourqueney, c’est la sanction donnée dès aujourd’hui par votre gouvernement aux actes qui constituent la rentrée de la France dans le concert européen. » Le protocole et la convention qui devaient résulter de ce concert furent paraphés le 17 mars. Les signatures qui rendirent ces arrangemens réguliers et définitifs ne furent données que le 13 juillet 1841. A quoi tint ce long retard ? Uniquement aux efforts du ministre des affaires étrangères d’Angleterre et de son ambassadeur à Constantinople pour entraver une négociation qui leur déplaisait, et à la résolution énergiquement maintenue par le cabinet français de ne s’associer à des stipulations nouvelles relatives à l’Orient qu’après la complète et définitive liquidation par les cours alliées d’un passé qu’il avait désapprouvé,

  1. Lettre particulière de M. Guizot, 13 mars 1841.