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même après l’évacuation de la Syrie, s’il continuait à garder une attitude qui véritablement fût un essai d’indépendance, il deviendrait impossible de conseiller au sultan de retirer le décret de déchéance, et que la Porte serait alors autorisée à suivre les opérations militaires jusque contre l’Égypte rebelle. « Le traité du 15 juillet, répliqua M. de Bourqueney, n’a rien stipulé pour le cas dont vous me parlez ; je ne puis consentir à la discussion. » Et, comme lord Palmerston insistait « Non, milord, répéta encore une fois M. de Bourqueney, il faudrait pour cela un nouveau et plus grave traité[1]. »

Tel était le langage du représentant de la France, lorsque, le 14 décembre, arriva à Londres la nouvelle de la convention conclue le 27 novembre devant Alexandrie entre Boghos-Bey et le commodore Napier. Une de ces brusques résolutions si ordinaires aux agens anglais avait terminé sur les lieux mêmes la querelle que le traité du 15 juillet avait fait naître. La convention du 27 novembre portait : 1 ° que le pacha donnerait immédiatement à ses troupes l’ordre d’évacuer la Syrie ; 2° qu’il s’engageait à restituer au sultan sa flotte, moyennant que la Porte lui accordât la possession héréditaire de l’Égypte ; 3° qu’à ces conditions les hostilités cesseraient en Syrie et sur mer, et que les puissances feraient leurs efforts pour amener la Porte à concéder l’hérédité du pachalick d’Égypte.

Par ce dénoûment inattendu, désagréable aux cours de Londres et de Saint-Pétersbourg, qu’elles n’osèrent toutefois désavouer, qu’elles acceptèrent avec une sourde humeur, le but ostensible des signataires du traité du 15 juillet avait été atteint ; mais les limites posées par la note du 8 octobre n’avaient pas été franchies. Les intentions avouables des puissances alliées avaient été accomplies, les déclarations de la France étaient respectées.

Les situations officielles ainsi respectivement détendues, il devint pour la première fois possible de songer sérieusement à rétablir quelque accord entre les gouvernemens naguère si divisés. L’initiative des essais de rapprochement revenait naturellement à ceux qui avaient été les moins engagés dans la querelle. Ainsi qu’on pouvait s’y attendre, la première idée en fut mise en avant par la cour de Vienne. M. de Metternich, qui avait tant négocié contre toutes chances de succès, ne pouvait négliger une telle occasion. Le 30 novembre, le prince, écrivant à M. de Sainte-Aulaire pour lui annoncer la convention d’Alexandrie, lui disait : « Que devient maintenant l’isolement de la France ? Le sultan aura fini ses affaires, Méhémet-Ali sera pacha héréditaire en Égypte. L’affaire va être arrangée entre eux dans la forme d’une question intérieure. La France voudrait-elle s’isoler de ces résultats ? Où est

  1. Dépêche de M. de Bourqueney, 18 novembre 1840.