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supposable, car elle s’était souvent expliquée à cet égard ; mais toutes les formes eussent été observées en la mettant définitivement en mesure d’accepter ou de refuser. Lord Palmerston a craint la discussion de ce qu’il proposait ; il a craint de laisser à toutes les parties qui pouvaient prendre part à l’acte trois ou quatre jours de réflexion. Il s’est hâté de conclure, et a été amené par là à signifier à la France un acte signé sans sa participation. Il est vrai que les formes les plus douces ont été employées pour faire cette communication ; mais le soin qu’on mettait à couvrir par des paroles ce que cette conduite avait au fond de blessant prouve que lord Palmerston sentait lui-même l’inconvenance du procédé. La prévision du refus de la France, quelque fondée qu’elle fût, ne dispensait pas de s’expliquer franchement et positivement une dernière fois avec une ancienne alliée[1]. »

Le public français fut, comme son gouvernement, sensible surtout à la question de procédé. Chacun comprit que l’Europe ne se serait point séparée de nous à propos d’un insignifiant territoire à répartir entre le grand-seigneur et le vice-roi d’Égypte, si elle n’avait été animée à notre égard de sentimens malveillans. Ce mépris affiché pour elle causa autre chose que du dépit à la France. Elle avait conscience que, par dix années de modération et d’empire sur elle-même, elle avait mérité un autre traitement. Elle se plaignit du traité comme d’un acte d’injustice ; elle le considéra comme un défi, et le ressentit comme une injure. Cette irritation s’accrut encore quand on apprit que, par une innovation sans exemple dans les annales diplomatiques, les parties contractantes étaient convenues de passer outre aux mesures d’exécution, sans attendre l’échange des ratifications. Qu’avait donc fait le gouvernement français dans toute cette affaire pour qu’on multipliât gratuitement et comme à plaisir les façons d’agir les plus propres à échauffer une déplorable querelle ? Était-il vrai, comme le ministre anglais l’a si souvent et si fermement soutenu, que, depuis la signature du traité, nous eussions poussé le pacha à la résistance, au lieu de lui conseiller le calme et la résignation ? Cette assertion a rencontré une telle créance à l’étranger et même en France, que nous croyons utile de la démentir par la citation textuelle d’une dépêche confidentielle adressée de Paris à notre consul à Alexandrie. On y verra que notre cabinet n’était pas resté inactif. Son influence auprès du vice-roi avait été, non sans succès, employée dans un sens dont les cours qui s’étaient si légèrement éloignées de nous n’avaient pas le droit de se plaindre.


« Paris, 17 septembre 1840.

« Monsieur, j’ai reçu la dépêche que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire

  1. Dépêche de M. Thiers, 6 août 1840.