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de sa constante fidélité à l’alliance française, a conservé pour ce pays le plus vif et le plus fraternel attachement. Le lien du sang, joint aux souvenirs d’une histoire long-temps commune, explique bien cette sympathie des Norvégiens pour les Danois. La Suède appartient, comme la Norvége, à la race scandinave ; après une longue rivalité avec le Danemark en des temps glorieux pour ces deux états, elle est revenue au sentiment de la communauté des intérêts et de la fraternité des races. La Suède, la Norvége et le Danemark se trouvent ainsi rapprochés par un même mouvement de nationalité. Depuis plusieurs années, ce mouvement a pris un caractère très marqué et donné lieu souvent entre les peuples des trois royaumes à des manifestations significatives. Les populations de la Suède et de la Norvége devaient donc ressentir une vive sympathie pour les Danois aux prises avec l’Allemagne, et le roi de Suède était ainsi sollicité à intervenir au moins diplomatiquement dans la querelle, et au besoin par les armes.

A la suite de la bataille de Schleswig, livrée le 23 avril, le ministre de Suède à Berlin reçut des instructions positives. Le cabinet suédois distinguait entre les devoirs que lui imposait l’occupation du Schleswig et ceux qui lui incombaient le jour où les états danois proprement dits seraient menacés. Il n’entendait point intervenir directement dans l’affaire du Schleswig, dont la solution appartenait en premier lieu aux puissances garantes, avant que celles-ci, ou au moins l’une d’elles, eussent prêté un secours effectif au Danemark. Le roi de Suède déclarait que, dans ce cas, il pourrait se décider à unir ses efforts à ceux de la puissance qui interviendrait pour maintenir les droits du Danemark sur le Schleswig ; mais, dans l’hypothèse d’une attaque portée en Jutland, il jugeait l’indépendance de ses propres états trop menacée pour ne point offrir au Danemark un appui efficace ; un corps d’armée suédois passerait alors en Fionie ou dans toute autre île de la monarchie danoise, au choix du roi de Danemark, afin de s’opposer à tout progrès ultérieur de l’armée allemande. Cette déclaration du roi Oscar fut appuyée par de grands préparatifs de guerre, auxquels la Suède et la Norvége se prêtèrent avec enthousiasme. En même temps, des volontaires suédois et norvégiens, devançant la pensée du roi, passaient le Sund et venaient combattre sous les drapeaux danois. Enfin, sur la nouvelle de l’occupation du Jutland, la flotte suédoise s’approcha du théâtre de la guerre, et un corps d’armée passa dans les îles danoises, tandis qu’un corps plus considérable se concentrait dans la province suédoise de Scanie.

Quant au gouvernement russe, qui, après la Suède, secondait le plus directement le Danemark, il avait évidemment d’autres intérêts et des intentions particulières difficiles à préciser. La Russie obéissait-elle ici à une pensée hostile à l’Allemagne unitaire et conquérante ? cherchait-elle