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annonçant qu’il se bornerait dorénavant à empêcher le blocus de Venise et la capture des bâtimens appartenant à la république.

Les commissaires piémontais, MM. Colli et Cibrario, n’arrivèrent à Venise que vers la fin du mois de juillet, et ils obtinrent du président Castelli qu’il partagerait avec eux le pouvoir. On touchait à une nouvelle crise. Je n’ai point à rappeler ici les événemens dont la Lombardie fut bientôt après le théâtre. Le contre-coup de la retraite de l’armée piémontaise au-delà du Tessin ne tarda pas à se faire sentir à Venise. Une lettre du maréchal Welden informa les habitans que l’armée sarde avait été complètement détruite, et que Venise pouvait une dernière fois mériter son pardon en invoquant la clémence de l’empereur Ferdinand. Le gouvernement vénitien remercia le maréchal de ses intentions bienveillantes aussi bien que de ses informations, qu’il se plaisait à croire exactes. Il ajouta qu’il se regardait comme incompétent pour prendre l’initiative d’une décision dans une question qui intéressait toute l’Italie.

La première lettre du maréchal Welden fut bientôt suivie d’une seconde missive, datée du 9 août, et dans laquelle il annonçait à Venise l’armistice conclu entre le maréchal Radetzky et le roi de Sardaigne. On sait que d’après cet armistice, désigné sous le nom d’armistice Salasco, tout le pays compris entre le Pô, le Tessin et les Alpes était replacé sous la domination des Autrichiens. Le général insinuait que la cession de Venise était stipulée dans l’armistice et insistait auprès des autorités de cette ville pour que les hostilités entre les troupes à la solde de Venise et les troupes autrichiennes fussent immédiatement suspendues. La réponse du gouvernement vénitien fut brève et digne. Il repoussait toute proposition d’accommodement et toute communication ultérieure.

Après cette réponse, il importait de prendre un parti relativement au Piémont. L’armistice conclu par cette puissance avec le maréchal Radetzky rompait les liens qui avaient un moment existé entre elle et Venise. M. Castelli se rendit en toute hâte auprès de M. Manin pour le prier de l’accompagner chez les commissaires piémontais, M. Manin le suivit à l’instant ; dans la rue, la foule éplorée, ivre de colère et de douleur, l’arrête et lui crie : « Nous voulons savoir ce que l’on prétend faire de nous ; nous ne voulons pas être livrés aux Autrichiens ; plus d’Autrichiens, plutôt la mort ! » Et, à mesure que ces cris étaient poussés, l’exaltation populaire allait croissant et devenait de plus en plus menaçante. Le peuple voulait rompre sur-le-champ avec toute autorité piémontaise, parce que le Piémont venait de signer un traité avec l’Autriche, et que Venise ne pouvait répondre de son indépendance qu’en redevenant l’arbitre de ses destinées. Ce ne fut pas sans de grands efforts que M. Manin obtint qu’on le laissât poursuivre sa route. Parvenu en