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de belles paroles ni de prétextes spécieux, et qu’ils savaient parfaitement tromper l’opinion quand ils désespéraient de la séduire par de solides raisons. On avait, par exemple, dès le premier moment, imaginé d’imprimer en Holstein, sous le titre et la forme d’un journal de Copenhague, la fausse annonce d’une prétendue contrainte exercée par le parti libéral sur le roi. Frédéric VII, au dire de ce journal, était captif dans son palais ; les démocrates danois voulaient lui extorquer une résolution hostile aux Allemands du Schleswig-Holstein ; c’était donc pour défendre l’indépendance du roi qu’un gouvernement provisoire se formait et que le prince de Noër se plaçait à la tête des troupes. Un officier de la garnison de Rendsbourg s’étant avisé de révoquer en doute les intentions du prince, celui-ci répliqua, non sans paraître un peu déconcerté, que, s’il ne déposait pas le commandement entre les mains du roi lui-même, l’armée aurait le droit de le traiter comme un parjure. Bien que les exploits militaires des huit princes d’Augustembourg et de Glucksbourg dans les annales de cette lutte se réduisent au pillage d’une fabrique de draps dans le Jutland à la suite de l’armée prussienne, le prince de Noër n’en est pas moins resté tout le temps qu’a duré la guerre à la tête de l’insurrection.

C’est par cette supercherie et par ces surprises que le soulèvement les populations allemandes du Schleswig et du Holstein a commencé Il ne s’agissait d’ailleurs que de gagner les garnisons allemandes et d’entraîner la jeunesse allemande des universités. On ne comptait guère sur le concours effectif de la population commerçante ou agricole. La noblesse disait très haut, il est vrai, et pour honorer sa cause aux yeux de l’Europe, que le pays se suffirait à lui-même, qu’il avait assez de ressources, assez d’armes et assez de bras pour chasser les Danois et empêcher leur retour, et qu’il ne voulait point partager l’honneur de décider lui-même de son sort et d’assurer ses nouvelles destinées ; mais le duc d’Augustembourg avait sondé les dispositions de la Prusse : il connaissait l’avis de cette puissance si directement intéressée dans le débat. En toute occasion, le roi de Prusse eût sans doute pris fait et cause pour l’indépendance du Schleswig-Holstein, berceau présumé de la future marine allemande. Les circonstances spéciales où se trouvaient sa personne humiliée et son armée mise en suspicion le poussaient à chercher un moyen de se relever et de rendre à ses troupes leur popularité un peu amoindrie. La cause du Schleswig-Holstein était populaire parmi les exaltés allemands : le roi de Prusse se hâta de l’embrasser. Les troupes prussiennes, auxquelles se joignirent un peu plus tard des Hanovriens, des Mechlenbourgeois et des soldats d’Oldembourg, franchirent la frontière du Holstein le 6 avril sans déclaration de guerre. Le roi de Prusse avait pris l’initiative, et Francfort avait ensuite accordé son assentiment. On verra toutefois, dans le cours de