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de refuser le paiement de l’impôt, Venise, privée de toute arme coërcitive, ne put que réclamer. Cette violation flagrante du pacte solennel qui unissait les provinces à la capitale n’apporta aucune amélioration dans la situation matérielle des provinces, qui ne pouvaient se suffire à elles-mêmes et qui ne possédaient pas d’ailleurs tous les rouages administratifs nécessaires pour se gouverner seules. Aussi, même après avoir cessé d’envoyer de l’argent à Venise, continuèrent-elles à lui demander des soldats, des munitions, et des secours pécuniaires. Elles faisaient peser sur Venise la responsabilité des malheurs qui les menaçaient. En proclamant la république, répétaient-elles par l’organe de leurs journaux et de leurs représentans, en proclamant la république, vous avez éloigné de nous le défenseur de la Lombardie. Mettez-vous donc en quête d’autres alliés, d’autres troupes. Serons-nous les victimes de votre imprudence d’abord, et de votre maladresse ensuite ? Nugent et ses soldats approchent : qui nous aidera à les repousser ?

A ces plaintes réitérées Venise n’avait qu’une réponse à faire. La proclamation de la république n’avait pas été un acte prémédité ; la défiance inspirée par la république vénitienne au Piémont et à la Lombardie n’avait pas non plus été prévue. Venise était-elle coupable de la disparition des troupes romaines et napolitaines ? ne souffrait-elle pas autant et plus que les provinces ? ne manquait-elle pas aussi de défenseurs, n’ayant pour garnison que quelques corps détachés de volontaires ? Mais à quoi bon se défendre et se justifier ? Les provinces voulaient des troupes, et Venise ne pouvait pas leur en fournir. Le dénoûment de ce pénible conflit ne devait pas se faire attendre.

La Lombardie avait opéré sa fusion avec le Piémont dans les premiers jours de juin. Sans prévenir ni consulter la capitale qu’elles-mêmes s’étaient donnée, Vicence, Padoue, Rovigo et Trévise, envoyèrent des députés au quartier-général de Charles-Albert pour lui offrir la souveraineté de leur pays et lui demander de les considérer dorénavant comme faisant partie de ses états. Elles ouvrirent ensuite les registres des paroisses, à l’imitation de Milan. Ce ne fut qu’après le retour des députés et le dépouillement des registres des paroisses que les quatre provinces se souvinrent de Venise. Elles lui adressèrent un message pour lui communiquer leur résolution et l’engager à suivre leur exemple. Toute population a sans doute le droit de prononcer sur son sort, et, dans le cas spécial dont il s’agit, l’usage de ce droit n’avait rien que de très sage ; mais Venise méritait aussi quelques égards, et l’acte de fusion des quatre provinces avec le Piémont n’eût rien perdu de son importance pour avoir été précédé plutôt que suivi d’une communication officieuse à la capitale. Venise était en droit d’attendre que les provinces s’adresseraient à elle avant de prendre aucune détermination