Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/812

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le même sens. Ce qui était clair dans les adresses de ces villes ne l’était pas moins dans l’adresse de Venise. Seulement, dans les duchés et en Lombardie, on s’était abstenu de toute démonstration en faveur de telle ou telle forme de gouvernement. La faute de Venise était d’avoir proclamé la république.

Venise s’était donc attiré la malveillance de la Haute-Italie. Pouvait-elle se soutenir par elle-même ? Le lendemain d’une révolution ; à la veille d’une guerre acharnée comme le sont d’ordinaire les guerres dites d’indépendance, Venise devait porter tous ses soins sur une bonne organisation de ses finances et de son armée. La garde nationale fut créée comme par enchantement, et les riches collections de l’arsenal furent employées en partie à armer le peuple vénitien. L’effectif qu’on obtint ainsi ne fut que de six mille hommes, les ouvriers du port et les pêcheurs n’ayant pu être astreints au service régulier de la milice citoyenne. D’un autre côté, le départ des Autrichiens avait laissé dans la ville à peu près quinze cents soldats italiens qui servaient dans les armées impériales, et que leurs chefs avaient congédiés en quittant Venise. Ces quinze cents soldats pouvaient suffire au service intérieur de la ville, pendant que la garde nationale recevait un certain degré d’instruction militaire. Ils formaient le noyau autour duquel on se promettait de grouper les nouvelles recrues, volontaires ou autres, pour les plier à la discipline et aux privations de la vie militaire. Deux causes firent malheureusement échouer ce sage projet : d’abord l’esprit d’insubordination des soldats congédiés par l’Autriche, puis les tendances séparatistes des villes de la terre ferme où la plupart des soldats avaient leurs foyers. La terre ferme commençait à se prononcer vivement contre Venise, dont elle se disait condamnée à payer les folies. Ces plaintes arrivèrent aux oreilles des soldats, qui, fatigués d’une carrière acceptée contre leur gré, se montraient de plus en plus impatiens de quitter Venise pour aller veiller au salut de leurs familles. Les provinces ayant envoyé des députations à Venise pour exprimer leur adhésion à la république, les membres de ces députations contribuèrent encore, par des discours imprudens, à irriter dans les corps licenciés ce sentiment d’impatience. Ils pressèrent même les soldats de les accompagner sur la terre ferme et de ne pas demeurer plus long-temps à Venise. On put prévoir dès-lors que les projets du gouvernement relatifs à l’organisation de la force militaire rencontreraient une vive opposition.

Venise ne tarda point, en effet, à être le théâtre de scènes affligeantes. Mis journellement en contact avec les nouveaux gardes nationaux, les soldats, prêts à la révolte, cherchaient à se créer des auxiliaires parmi les citoyens armés. C’étaient tous les jours de nouveaux scandales. Des gardes nationaux et des soldats échangeaient, en témoignage