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d’ailleurs aux deux duchés, qui ne sont pas la moitié du royaume, la concession, peut-être imprudente et assurément paternelle, de leur donner un nombre de députés égal à celui du Jutland et des îles. Les représentans du Holstein et du Schleswig se trouvaient ainsi en possession de toute l’influence qu’ils pouvaient désirer. Ils avaient un moyen légal de poser en face du parti danois, sous les yeux du gouvernement, la question de nationalité comme ils la comprenaient. C’était, en un mot, une conquête politique pour la monarchie entière, pour le Schleswig et le Holstein comme pour le Danemark proprement dit, qui devenait un pays constitutionnel sans cesser d’être un pays d’états, car on laissait à chaque province sa diète provinciale.

Qu’on ne l’oublie point, ces événemens s’accomplissaient avant que la révolution de février eût imprimé à l’Allemagne et à l’Europe le mouvement constitutionnel dont elles sont en ce moment agitées. En renonçant à ses prérogatives absolues, le roi Frédéric VII ne cédait ni aux menaces ni à la force victorieuse ; il ne subissait pas de contrainte ; cette convocation d’une assemblée générale était le premier acte de son règne, et alors le calme le plus profond était dans les faits, dans la marche apparente des choses, dans les prévisions de tous les esprits tenus jusqu’alors pour sensés. Le parti germanique s’émut cependant très fort et la révolution de Berlin survenant le 17 mars, après celle de Paris, il conçut les plus vives espérances, car le mot de patrie allemande avait été prononcé très haut par le roi de Prusse lui-même, et la question fédérale devenait une question de race bien plus que de liberté.

Une effervescence encore inconnue dans les duchés se fit dès-lors ressentir principalement à Kiel et à Rendsbourg : des clubs s’ouvrirent ; il y eut des assemblées populaires, des meetings solennels où l’on déclara le moment venu d’établir le nouvel état de Schleswig-Holstein et de l’incorporer dans la confédération germanique. L’exaltation des esprits, d’ailleurs prompts à l’enthousiasme, dépassait toutes les bornes il était clair qu’une insurrection ne tarderait pas à éclater ; on était décidé à saisir l’occasion de la crise européenne pour tenter de résoudre la question par les armes. L’on n’ambitionnait plus seulement d’arracher au gouvernement danois une décision sur la successibilité au trône princier de Schleswig-Holstein, on voulait aussi constituer dès l’instant l’unité éternelle et indissoluble de ces duchés, et se jeter peut-être, enseignes déployées, dans les bras de l’Allemagne.

Une députation de cinq membres, choisis parmi les plus vifs partisans de l’agitation, se rendit à Copenhague, avec mission de demander au roi une reconnaissance officielle de l’individualité nationale des deux duchés et l’incorporation du Schleswig uni au Holstein dans la confédération germanique. À cette demande d’un démembrement