Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Danemark, que les Allemands sont étrangers dans le pays, que la noblesse allemande a confisqué les droits de la population danoise, que la cause des Danois dans le Schleswig est la cause de la nationalité et du droit commun, tandis que la cause des Allemands est la cause de l’oppression et de la noblesse.

Le nom et les intentions avouées des hommes qui se sont placés dès l’origine à la tête du parti de la séparation, et qui ont mis le feu à ce rêve primitivement pacifique des théoriciens allemands, jettent d’ailleurs une grande lumière sur le mouvement lui-même, et mettent les esprits clairvoyans en mesure d’en pénétrer le vrai caractère. Qui donc, en effet, suscita dans les états provinciaux du Schleswig la première démonstration hostile à l’unité danoise ? Qui provoqua dans le même sens la polémique ardente des feuilles et des professeurs du Holstein et de l’Allemagne ? Qui se chargea d’agiter, par missions secrètes, notes diplomatiques et démarches personnelles, les cabinets de l’Allemagne, de faire appel aux ambitions intéressées du roi de Prusse pour la patrie allemande et pour la marine allemande ? Ce fut le chef de la famille princière d’Augustembourg, grand propriétaire dans le Schleswig, et prétendant à la couronne ducale du Holstein dans le cas où le duché deviendrait indépendant. Chef de la noblesse féodale du Schleswig-Holstein, le duc espérait, en unissant la fortune du Schleswig à celle du Holstein, augmenter de moitié l’héritage éventuel qu’il prétendait tenir de ses ancêtres en vertu du droit féodal. Les chevaliers des duchés aspiraient évidemment à mettre leurs privilèges nobiliaires sous la protection de l’hérédité féodale du prince, comme le prince lui-même aspirait à redevenir souverain sous la tutelle de la confédération germanique. Lorsqu’au mois de mars dernier éclata l’insurrection du Schleswig, la famille d’Augustembourg était à la tête du mouvement ; la noblesse suivait les princes des duchés. L’agitation préparée par le travail patent ou souterrain de plusieurs années ne devint sanglante que par suite des promesses constitutionnelles et presque démocratiques d’un roi libéral nouvellement arrivé au trône de Danemark, et le jour même de l’avènement ministériel des publicistes, des magistrats, des prêtres, des orateurs les plus chers à l’opinion démocratique.

Les précédens de la question, les hommes qui l’ont soulevée, les circonstances dans lesquelles ils ont agi, tout accuse l’esprit nobiliaire et l’intérêt étroit qui ont dominé dans le débat. Or, l’intervention diplomatique et militaire de la confédération germanique n’ajoute aucun prestige à la conduite des insurgés du Schleswig et du Holstein. Tous les prétextes mis en avant par les Allemands, l’idée de race en particulier, se retournent contre eux-mêmes. Ainsi, soit que l’on pèse les faits, soit que l’on examine les principes, on est frappé de l’injustice ale l’agression dont le Danemark vient d’être le théâtre et la victime. Quand