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même, dans certains cas déterminés, il aurait été autorisé à s’y rendre sans son conseil[1].

La guerre qui s’éleva après la courte paix d’Amiens ne permit pas de donner suite aux propositions des commissaires du gouvernement. Cependant les instructions remises au gouverneur-général Daendels, le règlement de 1815 (qui lui-même a servi de base aux règlemens de 1818, 1827 et 1830), ont été évidemment rédigés dans l’esprit, du projet présenté par la commission de 1802.

Le maréchal Daendels, qui succéda en 1808 au gouverneur-général Wiese, n’était pas homme à s’accommoder de l’état d’abaissement où était tombée la dignité qui venait de lui être conférée. Ses deux prédécesseurs immédiats, Sieberg et Wiese, malgré leur probité bien reconnue et la loyauté de leur caractère, étaient déjà fatigués du service et découragés par les difficultés chaque jour croissantes de la situation ; il leur manquait d’ailleurs cette fermeté d’ame si nécessaire ou plutôt si indispensable à celui qui est revêtu de l’autorité suprême. Le gouverneur-général n’était plus dans son conseil que primas inter pares ; sa dignité se trouvait méconnue et son action paralysée. D’ailleurs, le gouvernement tout entier, l’administration, la fortune publique, aux Indes néerlandaises, étaient en pleine décadence, en voie de dissolution. En Hollande, on comprenait la nécessité d’un changement de système, d’une réforme, ou, pour mieux dire, d’une régénération complète ; mais à Java trop de gens étaient intéressés au maintien des abus pour ne pas se montrer hostiles à toute innovation. En un mot, Java languissait à cette époque critique, proie désignée d’avance à ses ennemis de l’intérieur et du dehors. Il ne fallait rien moins qu’un Daendels, un Napoléon en miniature, pour rendre le ressort et la vie à ce corps décrépit. Il y réussit par des moyens violens, des remèdes héroïques, et sa courte administration (de trois ans à peine) a suffi pour ramener cette belle colonie de sa vieillesse anticipée à cet âge vigoureux où les états comprennent leurs besoins, rassemblent leurs ressources et préparent leur avenir. Daendels a beaucoup détruit, souvent à tort, mais il a encore plus créé, et ses créations ont été marquées au coin du génie. Les voies de communication qu’il a établies en triomphant des difficultés presque insurmontables que lui opposaient le temps, les hommes, les lieux, l’épuisement des finances ; ces voies de communication dont l’importance immense, sous le triple rapport de la stratégie, de l’administration et du commerce, n’a pu être convenablement appréciée que de nos jours ; les forts, les arsenaux, les chantiers élevés et approvisionnés comme par enchantement ; l’esprit

  1. Dispositions analogues à celles qui ont été adoptées par les Anglais à l’égard des gouverneurs-généraux de l’Inde britannique.