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fût ; la majorité des suffrages décidait. Le gouverneur, ainsi nommé, jouissait du même pouvoir que son prédécesseur, jusqu’à ce que les directeurs en eussent autrement ordonné. Les mêmes formalités s’observaient, si le gouverneur provisoire venait à mourir à son tour. Dans ces élections, le choix des conseillers tombait ordinairement sur le directeur-général, qui siégeait dans le conseil immédiatement après le gouverneur ; plus tard, par un ordre spécial des directeurs (8 octobre 1714), il fut enjoint aux conseillers de choisir le directeur-général, à moins que par sas conduite il ne se fût notoirement rendu indigne de ces hautes fonctions. Il est à remarquer que, pendant les deux siècles que la compagnie subsista, tous les gouverneurs furent choisis parmi ses employés, et que le choix tomba toujours sur le directeur-général, ou sur quelque autre membre du conseil des Indes, qui ne s’était élevé à ce rang qu’en passant par tous les degrés de la hiérarchie administrative.

Dans le premier siècle de l’établissement des Hollandais aux Indes, lorsque le commerce était l’unique but de la compagnie, lorsque l’intérêt mercantile était le principe vital de cette société, il était utile et possible de maintenir avec une inexorable sévérité les rigoureux décrets dirigés contre tout autre commerce que celui de la compagnie, d’appliquer impitoyablement les peines portées par ces décrets, cri un mot, de se conformer à l’esprit comme à la lettre de ces instructions. Aussi voyons-nous partout les employés de la compagnie des Indes rivaliser de zèle pour atteindre ce but. Ils ne connaissaient pas de devoir plus pressant, pas de gloire plus brillante que de faire connaître et respecter le drapeau de la compagnie dans toutes les mers des Indes et « d’accroître la prospérité de l’honorable compagnie des Indes orientales. » Mais, au commencement du XVIIIe siècle, la position de la compagnie se trouva entièrement changée : d’autres nations européennes s’étaient établies aux Indes ; l’Angleterre surtout y avait acquis une grande puissance. D’un autre côté, la compagnie avait étendu ses possessions, et des princes indiens, tant à Java qu’ailleurs, lui rendaient hommage comme à leur souverain. Désormais de grands intérêts politiques étaient venus se joindre à l’intérêt mercantile ; l’esprit de spéculation de la compagnie ne pouvait plus être la règle exclusive du gouvernement colonial. Il est vrai que la distinction entre le principe mercantile de la compagnie et le gouvernement politique de ses riches possessions ne fut jamais ouvertement reconnue par elle ; cependant on peut remarquer dans les institutions jadis en vigueur aux colonies hollandaises des traces de cette distinction. Les directeurs eux-mêmes s’habituèrent peu à peu à regarder le gouverneur des Indes comme le représentant du souverain, et lui accordèrent le principal pouvoir judiciaire,