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l’administration du gouverneur-général et du conseil des Indes, tant en ce qui concernait les employés et fonctionnaires payés par la compagnie qu’en ce qui touchait les bourgeois et autres individus qui y avaient fixé leur résidence. » Aussi le fondateur de Batavia et tous ses successeurs s’empressèrent-ils de travailler à l’agrandissement, à la sûreté et à l’embellissement de cette ville, qui mérita bientôt, si nous en croyons les Hollandais, le surnom de Reine de l’Orient, que Calcutta lui a enlevé depuis.

Pendant plus d’un siècle et demi, Batavia fut à la fois le siège du gouvernement et la résidence du gouverneur-général. Tous les conseils supérieurs et les principaux fonctionnaires s’y trouvaient réunis ; c’était l’entrepôt général de tous les produits de l’Orient destinés pour la Hollande, le point de départ et d’arrivée de tous les navires, le lieu où les princes indigènes venaient offrir leurs hommages au « grand seigneur[1], » le centre enfin de la domination hollandaise aux Indes. Ce ne fut que vers le milieu du siècle dernier que le gouverneur transporta sa résidence à Weltevreden, et momentanément à Buitenzorg, situé dans le voisinage. Buitenzorg était encore dans ces derniers temps la résidence habituelle des gouverneurs.

Il serait difficile de déterminer d’une manière précise le revenu des gouverneurs-généraux tant que subsista la compagnie. Leur traitement fixe n’était pas proportionné à leurs hautes fonctions ; mais ils jouissaient de tant de privilèges, et les sources d’où découlait leur revenu étaient si nombreuses, que la plupart d’entre eux ont laissé une fortune considérable. Les gouverneurs n’eurent pas d’abord de costume particulier ; mais bientôt la frivole ambition de se distinguer par le luxe fit de tels progrès, qu’il fallut déterminer, jusque dans ses moindres détails, le costume officiel du gouverneur-général.

Lorsque le gouverneur-général venait à mourir dans l’exercice de ses fonctions, le conseil des Indes, après avoir solennellement invoqué l’assistance du Très-Haut dans une circonstance aussi importante, devait procéder à la nomination d’un nouveau gouverneur, et lui faire prêter le serment de fidélité, conformément aux instructions. Cette nomination, qui n’était que provisoire, était accompagnée des formalités suivantes : tous les conseillers devaient renouveler leur serment entre les mains du premier d’entre eux ; ils écrivaient le nom du candidat sur des billets qu’ils cachetaient, sans avoir communiqué avec qui que ce

  1. Touan bésar : ces deux mots malais signifient, en effet, « grand seigneur, » ou « grand monsieur. » et s’appliquent, par comparaison, à toute personne que son âge ou son rang placent au-dessus d’une ou plusieurs autres. Ainsi le gouverneur-général est le grand monsieur par excellence. La même distinction se retrouve aux Indes anglaises, où les mots hindoustanis barah sahéb reçoivent précisément les mêmes applications.