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a un siècle, il y a un abîme. Partout ailleurs, des classes moyennes sont venues se placer entre l’aristocratie et la multitude, et ont constitué ce tiers-état puissant qui fait la gloire et la force de la société européenne. Ici rien de pareil : les classes moyennes ne sont représentées en Hongrie que par les habitans des villes royales ; jusqu’à la fin du dernier siècle, cette population se composait presque exclusivement de marchands et d’ouvriers étrangers pour la plupart à la race dominante. Placée sous la tutelle du gouvernement autrichien, son seul recours contre les violences de la noblesse, depuis quarante ans, elle a rapidement grandi en nombre, en richesses, en lumières ; la vie politique est venue enfin l’animer. En sentant croître ses forces, elle a réclamé ses droits et a voulu obtenir aussi sa juste part d’influence et de pouvoir. C’est un des points sur lesquels s’est porté, dans ces derniers temps, le vif des débats politiques. Il y a là les élémens nouveaux dont la Hongrie a besoin pour son émancipation ; c’est par là que s’opérera le mouvement d’ascension que la révolution française a produit partout ailleurs au profit des classes inférieures. Il est triste, sans doute, pour les radicaux, qui confondent dans la même haine ce tiers-état glorieux de 1789, auquel est due la civilisation moderne, et les petits tyrans de l’âge féodal, d’avoir à traverser cette étape et à faire quelque séjour en si mauvaise compagnie ; mais la chose est inévitable : l’examen des trois questions fondamentales discutées dans les deux dernières diètes, en jetant quelque jour sur l’organisation curieuse du passé, le prouvera mieux que tous les raisonnemens.


E. DE LANGSDORFF.