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à l’esprit du temps. Le comte Széchény n’était pas homme à perdre de tels avantages. Prenant dans sa réplique la question au point où Desewfy l’avait trop légèrement laissé arriver, il proposa de racheter les corvées et les dîmes au moyen d’un emprunt national, et de rembourser les propriétaires par une opération analogue à celle qui a été pratiquée dans plusieurs états d’Allemagne. La polémique continua avec une vivacité sans exemple.

Le gouvernement autrichien suivait ce débat avec un intérêt dont on se rend facilement compte. Sur plusieurs points, il pensait et devait penser comme le nouveau parti libéral. Il n’avait qu’à gagner à des réformes dont l’effet plus ou moins prochain devait être de réduire le pouvoir d’une aristocratie si souvent conjurée contre lui. Quant à la question de l’impôt, nous avons vu que, depuis saint Étienne, les rois avaient travaillé à miner les privilèges des nobles, et il ne s’est pas encore rencontré de gouvernement, despotique ou libéral, voire républicain, qui ait repoussé des gens qui demandaient à payer quelque nouvel impôt. Le gouvernement adopta donc tout ce qu’il y avait d’immédiatement pratique dans les projets du jeune réformateur. Il prit, à la diète de 1832-1836, l’initiative de toutes les mesures réclamées par le nouveau parti. En lisant les propositions royales, on croit parcourir les écrits dont nous venons de traduire quelques passages. Grace aux idées libérales qu’ils avaient répandues dans les esprits, les pamphlets de Széchény devinrent le véritable programme de cette mémorable assemblée : ce qui ne fut pas accompli dans cette session, et du premier coup, l’a été plus tard ; mais tous les principes avaient été posés, et tout le monde gouvernement, chambre des magnats et opposition, se montra unanime pour les accepter. Insistons un instant sur les décrets que la diète de 1832-1836 a inscrits dans les lois de la Hongrie. Ces décrets ont, à vrai dire, mis fui à l’antique et féodale Hongrie de saint Étienne, et doivent constituer la Hongrie moderne ; à chaque pas, nous y retrouverons l’inspiration du publiciste libéral.


III

Nous avons vu ce que disait Széchény du privilège des nobles de ne payer ni impôt, ni taxe, ni péage : l’article 26 des décrets de la diète mit le péage du pont de Pesth à la charge des nobles et des non-nobles indistinctement ; l’article 2 soumit les nobles possédant des terres urbariales[1] aux charges et impositions ordinaires. Les privilèges étaient abolis pour les personnes, en attendant qu’ils le fussent aussi pour les terres.

  1. On appelle ainsi les terres comprises originairement dans le lot des paysans.