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se résignait à la constitution hongroise, c’était tout ce qu’on pouvait espérer de mieux de lui.

Il faut rendre cette justice à l’homme éminent qui occupait alors la première place dans les conseils de l’Autriche. Son esprit acceptait, sans parti pris, les formes les plus diverses de gouvernement : dans les états héréditaires, un despotisme paternel ; une sorte d’occupation militaire et administrative en Italie ; des états provinciaux en Bohême et dans le Tyrol ; la monarchie constitutionnelle en Hongrie ; enfin, et c’était alors le seul exemple, en Transylvanie, un gouvernement représentatif composé d’une seule chambre. Il fallait tour à tour appliquer des régimes très différens à ces diverses constitutions. La situation ne pouvait être maintenue que par une grande variété de langage. De là souvent les accusations de duplicité et de mensonge que les ennemis du cabinet autrichien ne lui épargnaient pas. Le chancelier ne faisait cependant que parler à chacun sa langue ; il avait plus à s’adresser aux sentimens des autres qu’à manifester les siens, qui n’étaient point d’ailleurs un secret d’état. Les proclamations du général Bonaparte en Italie et au Caire traitaient la religion, ce qui est plus grave, comme le prince de Metternich la politique. Je ne sais si sa conscience avait quelques reproches à lui faire, mais c’était bien la loi et la nécessité d’un gouvernement multiple, composé d’élémens divers et opposés entre eux. Je n’ai point la prétention de juger en passant l’homme qui replaça son pays, il y a trente ans, au premier rang des puissances ; il prévoyait l’orage depuis bien des années et ne cessait de le dénoncer aux esprits inattentifs ou incrédules ; il n’a pas su le conjurer sans doute, il est tombé, mais quand tout a croulé en Europe, empires, rois, anciennes et nouvelles constitutions, et la société même. « Il est de telles compagnies, dit un ancien, qu’avec elles il est plus glorieux de chuter que de tenir debout avec les autres. »

Il ne s’agit ici de la politique du gouvernement autrichien que dans ses rapports avec le libéralisme hongrois : cette politique était sincère dans le désir de contribuer à l’accomplissement des réformes que projetait le libéralisme magyare ; s’il n’y eut point de système et de symbole communs, si la confiance et la sympathie manquèrent toujours, il y eut alliance sur des points déterminés. L’instrument le plus efficace de ce rapprochement fut sans doute l’archiduc Joseph : nous lui avons déjà rendu cette justice ; il se porta caution des bonnes intentions mutuelles ; sa loyauté croyait à celle des autres et la faisait naître au besoin. Il favorisa de tout son pouvoir les progrès du nouveau parti libéral qui se forma après la diète de 1825 ; ce parti estimait que la liberté valait mieux que la constitution ; il était plus libéral encore que national. Le fond de ses idées était puisé à cette grande source de lumières et de