Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/624

Cette page a été validée par deux contributeurs.

points très précis : je ne voudrais pas qu’il fût permis de concourir passé vingt-cinq ans, et je crois qu’il conviendrait de supprimer l’école de Rome. Le premier point ne soulèvera sans doute aucune objection. Si les élèves qui doivent commencer l’étude de leur art, peinture, statuaire ou architecture, vers l’âge de quinze ans, n’ont pas donné la mesure de leurs facultés à vingt-cinq ans, il est probable qu’à trente ans ils ne seront pas devenus des artistes éminens. Dans l’espace de cinq ans, ils pourront se perfectionner dans la pratique matérielle du métier, mais il n’est guère permis d’espérer qu’ils révèlent une abondance d’imagination, une élévation de pensée qu’ils n’auraient pas montrée jusque-là. Le second point soulèvera, je le sais, des objections nombreuses, et pourtant, malgré ces objections, dont je reconnais toute la gravité, toute l’importance, je crois devoir demander formellement la suppression de l’école de Rome.

Personne moins que moi n’est disposé à nier l’utilité d’un voyage en Italie pour les peintres, les sculpteurs et les architectes. Je reconnais volontiers qu’une année passée à Rome peut exercer sur l’imagination des jeunes artistes la plus heureuse influence. Je choisis Rome à dessein, car aucune ville d’Italie n’est aussi féconde en enseignemens. Les deux galeries de Florence, la galerie des Offices et la galerie Pitti, malgré leur prodigieuse richesse, ne peuvent remplacer la Sixtine et les chambres du Vatican. Le musée de Naples offre un assemblage précieux de morceaux antiques. Les bronzes trouvés à Pompéi, à Herculanum, sont d’un immense intérêt. Les peintures murales enlevées aux ruines de ces deux villes seront toujours un sujet d’études très profitables ; cependant il ne faut pas oublier que ces peintures ne sont pour la plupart que des répétitions d’œuvres perdues aujourd’hui sans retour. Il est bon de les consulter ; mais ce serait se tromper grossièrement que d’y chercher un témoignage précis sur l’état de l’art au premier siècle de l’ère chrétienne. Quant à Venise, dont les églises et la galerie offrent des trésors nombreux, les leçons qu’elle peut donner se renferment dans un cercle trop étroit pour qu’elles puissent jamais dispenser d’un voyage à Rome. Je n’hésite donc pas à déclarer que Florence, Naples et Venise, malgré l’éclat et la valeur très réelle des œuvres qu’elles possèdent, sont pour l’artiste une étude moins féconde que Rome. Deux hommes, en effet, remplissent Rome de leur grandeur, et, fussent-ils seuls, n’y eût-il autour d’eux aucun monument de l’art antique, ils suffiraient encore à renouveler, à transformer l’imagination de tous les artistes appelés à marcher sur leurs traces. Ai-je besoin de nommer ces deux hommes ? Leurs noms ne sont-ils pas déjà sur toutes les lèvres ? Chacun n’a-t-il pas deviné que je veux parler de Raphaël et de Michel-Ange ?

Lors même que Rome n’offrirait à l’étude que la chapelle Sixtine et