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craindre que les récompenses ne soient pas données avec une irréprochable impartialité. Je ne dis rien de l’adjonction à la section de peinture, de sculpture ou d’architecture, de l’Académie tout entière ; c’est un enfantillage auquel je n’attache pas grande importance, car l’Académie ne se réunit à la section que lorsque la section elle-même a déjà prononcé un jugement préparatoire, et je pense que MM. Auber, Adam, Halévy, adoptent volontiers l’avis de MM. Ingres et Delaroche, de MM. David et Pradier, lorsqu’il s’agit de prononcer un jugement définitif sur un concours de peinture ou de sculpture. Mais le jugement de l’Académie n’a pas et n’aura jamais une grande autorité, car les professeurs ou les membres de l’Académie, en jugeant leurs élèves, jugent leur enseignement, et il est permis de croire qu’ils le jugent avec indulgence. Sans doute il peut arriver, quelquefois il arrive que les professeurs jugent sévèrement leurs élèves ; mais cet héroïsme n’est pas à la portée de tous les caractères et ne détruit pas la valeur de l’objection. L’opinion publique se défie des jugemens de l’Académie : il y aurait un moyen bien simple de la rassurer ; ce serait de confier le jugement des concours à un jury pris en dehors de l’École et de l’Académie, qui, pour nous, sont un seul et même corps sous deux noms différens. Si l’enseignement des professeurs est excellent, si le goût qui les dirige est irréprochable, ils doivent tenir à honneur d’entendre proclamer l’excellence et la pureté de leurs leçons par des juges autres qu’eux-mêmes ; car l’approbation, en passant par leur bouche, doit perdre, à leurs yeux du moins, une partie de sa valeur. Un jury pris en dehors de l’École et de l’Académie offrirait à l’opinion publique des garanties plus sérieuses d’impartialité. Je sais bien qu’il pourrait se trouver, qu’il se trouverait presque toujours parmi les concurrens un ou plusieurs élèves dont le maître ferait partie du jury ; mais, en admettant même que ce fait se réalisât, il n’y aurait aucune comparaison à établir entre le jugement de l’Académie et le jugement du jury que je propose ; car ceux qui n’auraient pas d’élèves parmi les concurrens, et qui formeraient sans doute la majorité, seraient à l’abri de toute tentation et prononceraient avec une complète indépendance.

Si cette mesure semblait trop radicale, si la substitution d’un jury aux professeurs de l’école paraissait blessante pour les professeurs, et, pour ma part, je l’avoue, je le comprendrais difficilement, on pourrait composer le jury de six professeurs et de six artistes pris en dehors de l’école. C’est à peu près le mode de jugement adopté à l’école même pour les concours d’émulation dans la section d’architecture. Pourquoi ce mode adopté pour les concours d’émulation, et dont l’expérience a démontré les avantages, ne serait-il pas adopté dans les trois sections pour le jugement des concours annuels ?

Quant à la nature des récompenses, ma pensée se réduit à deux