Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/619

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à l’école parmi les professeurs de dessin, ce n’est pas dans l’enceinte même de l’école qu’ils apprennent de lui la pratique de la peinture et de la statuaire. En insistant sur cette lacune, je ne crois pas me rendre coupable de puérilité. Quoique le dessin nous révèle les proportions du modèle humain, l’harmonie des lignes, les rapports constans qui unissent la forme et le mouvement et qui permettent de deviner l’un à l’aide de l’autre, avant de passer à la pratique de la peinture et de la statuaire, il reste encore bien des choses à apprendre, et je m’étonne que cet enseignement complémentaire n’existe pas à l’école de Paris. Rien, à mon avis, ne serait plus raisonnable que de réduire le nombre des professeurs de dessin, et de créer pour la peinture et la statuaire un enseignement spécial. À quoi bon recruter les professeurs de dessin parmi les sculpteurs et les peintres, si aucun d’eux, dans les leçons qu’il donne, ne tient compte du caractère spécial de ses études ? L’ébauchoir et le pinceau peuvent-ils reproduire la forme sans l’interpréter ? Personne ne soutiendra sérieusement une telle hérésie. Mais qui donc, si ce n’est le sculpteur et le peintre, enseignera aux élèves comment il faut interpréter la forme pour la peindre ou la modeler ?

La connaissance générale de l’histoire de leur art serait certainement d’une haute utilité aux peintres et aux sculpteurs. L’étude attentive de toutes les grandes écoles qui se sont produites depuis Phidias jusqu’à Jean Goujon, depuis Giotto jusqu’à Raphaël, éveillerait dans l’ame des élèves une émulation féconde et contribuerait puissamment à former leur goût. L’histoire de la peinture et de la statuaire serait le complément naturel et nécessaire de l’enseignement technique. Pour peindre et pour modeler, il est bon de savoir à quels principes ont obéi les grandes écoles. Et, quand je parle de Phidias et de Jean Goujon, de Giotto et de Raphaël, je n’entends pas donner à l’enseignement historique le caractère exclusif qui plaît tant à certains esprits. Tout en insistant sur l’excellence de l’art grec, le professeur ne devrait pas négliger de montrer tout ce qu’il y a d’élégant et d’ingénieux, de souple et de fin dans la sculpture de la renaissance. Il serait sage de ne pas s’arrêter aux dernières années du XVIe siècle, et d’appeler l’attention sur les artistes mêmes qui, tout en s’éloignant des traditions de la Grèce et de la renaissance, ont signalé leur passage par des œuvres énergiques et empreintes d’une véritable grandeur. Si Jean Goujon est plus près de Phidias que Puget, ce n’est pas une raison pour traiter avec dédain le Milon de Crotone, dont la chair palpite, dont la blessure saigne, dont les bras et la poitrine expriment si vivement la force et la souffrance. Il est permis de blâmer sévèrement les lignes générales de cet ouvrage ; mais, tout en le critiquant, il faut l’admirer, et l’histoire serait une leçon stérile, si elle n’enseignait pas la justice et l’impartialité. Il ne faudrait pas non plus dire que la peinture finit à Raphaël, et traiter