Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/615

Cette page a été validée par deux contributeurs.

direction habituelle de ses travaux. Il appelle l’attention sur telle ou telle partie, et néglige comme sans importance ce qui sera signalé peut-être comme un détail précieux par le professeur qui lui succédera. En face du modèle vivant ou des monumens de l’art antique, les élèves, livrés à cet enseignement capricieux, éprouveront le même embarras. En écoutant des conseils dont le premier trop souvent ne s’accorde guère avec le second, ils ne pourront s’empêcher de douter ; or, le doute doit être banni de l’enseignement. Toute affirmation du maître qui n’est pas acceptée sans réserve est une affirmation stérile. Si la croyance est nécessaire à celui qui enseigne, elle n’est pas moins nécessaire à celui qui étudie et qui reçoit l’enseignement. Méconnaître cette condition impérieuse, c’est semer dans une terre ingrate, c’est imposer à l’intelligence une fatigue inutile. Que si l’on objectait la modicité des appointemens accordés aux professeurs, je répondrais que cet argument ne détruit pas l’évidence des idées que j’expose. Si leurs appointemens sont en effet trop modiques, et pour ma part je ne le pense pas, il y a un moyen bien simple de les augmenter sans élever la dépense générale, c’est de réduire de moitié le nombre des professeurs, et de partager entre six la somme qui se partage aujourd’hui entre douze ; mais, quel que soit le nombre des professeurs, il me paraît indispensable de les obliger à donner leurs leçons pendant toute l’année. Tant que durera l’enseignement morcelé, il ne faut pas espérer que les élèves fassent de rapides progrès. Condamnés à désapprendre plusieurs fois ce qu’ils auront appris, ils perdront en efforts inutiles la meilleure partie de leur temps.

Si les professeurs ont voulu, comme ils le disent, en se partageant l’enseignement par douzième, éviter le danger de la routine, ils se sont trompés. Les élèves, il est vrai, ne sont pas exposés à croire que la vérité tout entière se trouve dans les leçons d’un seul maître ; mais cet avantage qui, théoriquement, n’est pas sans valeur, est payé bien cher, puisqu’ils ne savent où prendre la vérité. Au lieu de trouver une vérité partielle qu’ils compléteraient plus tard soit en consultant la nature, soit en interrogeant les monumens de l’art antique, loin de l’œil du maître, mais à laquelle du moins ils ajouteraient foi, ils s’égarent et trébuchent à chaque pas ; ils prodiguent l’attention et recueillent le doute en échange de leur docilité. Il est temps de mettre un terme à cet usage que rien ne justifie ; il est temps de rétablir dans toute sa sincérité l’application du règlement.

L’anatomie, la perspective et l’histoire forment aujourd’hui, avec le dessin, l’enseignement destiné aux sculpteurs et aux peintres. Quant à l’enseignement destiné aux architectes, il comprend la théorie, la construction, les mathématiques et l’histoire de l’art. Pourquoi l’histoire de l’architecture figure-t-elle dans le programme de l’école, tandis que