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et un peu fantastique de Charlemagne. Sous la restauration, en présence des menaces impuissantes de l’ancien régime, ce fut acte d’opposition de chercher à diminuer Louis XIV. Nul ne le fit plus habilement que M. Lémontey dans un morceau d’histoire qui serait plus remarquable encore, s’il n’était par trop aiguisé en épigramme. Enfin le temps de la justice arriva pour le monarque, tour à tour placé trop haut et trop bas. La France, après 1830, se sentit assez forte pour ne plus craindre la royauté absolue et pour le juger équitablement, sine irâ et studio. Ce jugement porté sans passion fut en définitive favorable à Louis XIV. Un historien sympathique à la révolution française, M. Mignet, guidé par cette haute et intelligente impartialité qui le caractérise, décerna au gouvernement de Louis XIV un hommage qui, dans sa bouche, ne pouvait être suspect. Aujourd’hui enfin, rencontre bizarre, quand les trônes s’ébranlent ou s’écroulent, quand l’ancienne société se brise et se dissout partout en Europe, voici, dans l’ouvrage de M. de Noailles, que la figure de Louis XIV se présente encore une fois, non pas dans les splendeurs de l’apothéose, mais éclairée par une main habile d’un jour favorable. M. de Noailles n’est pas un enthousiaste aveugle, c’est un apologiste sincère, bien qu’un peu prévenu. Il n’a pas pour Louis XIV une idolâtrie insensée, mais une respectueuse admiration. Il n’a point les complaisances d’un courtisan de Versailles, mais il respire cet attachement désintéressé pour l’autorité royale que les Anglais appellent loyauté. À ce sentiment vient se mêler une sorte de mélancolie et un regret contenu à l’aspect d’une société calme, ordonnée, imposante, et ce regret, le gouvernement actuel ne saurait lui en faire un crime, car il l’éprouvait sous le gouvernement qui a été renversé.

Si l’on veut voir la royauté de Louis XIV présentée sans emphase dans toute sa grandeur politique et sociale, il faut lire l’ouvrage de M. de Noailles, et surtout le chapitre VIII. On ne fera pas mal de parcourir ensuite le livre de Lémontey pour tempérer l’admiration par un peu de critique, et mettre quelques ombres à ce tableau, d’un coloris non pas éblouissant, mais sage, égal, harmonieux, qui pourrait faire illusion par ses qualités même. Tout ce que dit M. de Noailles est vrai ; mais a-t-il tout dit ?

Il ne faudrait pas croire pourtant que ce livre soit une glorification ou même une amnistie complète de Louis XIV. Ainsi, après avoir expliqué, sans le justifier bien entendu, comment le scandale des légitimés était préparé dans les esprits par le préjugé féodal en vertu duquel ni Guillaume-le-Conquérant ni Dunois ne rougissaient de bâtardise, — avant le préjugé féodal, par les dispositions de la législation romaine sur le concubinat, — et enfin par l’autorité monarchique investie du droit