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et en complètent la physionomie. Un petit-neveu de Mme de Maintenon écrivant la vie de cette femme célèbre, un homme politique éminent, qui fut l’un des orateurs les plus distingués de l’ancienne chambre des pairs et l’un des défenseurs les plus sages et les plus considérés des opinions monarchiques, publiant, au début de la république, des études souvent approfondies, toujours sérieuses, sur un temps si différent du nôtre ; cette apparition soudaine, au milieu de notre société qui se décompose pour se reformer, d’une société solidement assise et régulièrement constituée ; le spectacle d’un pouvoir absolu, vénéré, presque adoré, en présence de ces pouvoirs précaires et contestés qui tentent de s’élever sur les ruines des anciens pouvoirs anéantis : il y a là un ensemble de rencontres singulières qui forment de l’ouvrage de M. de Noailles, à force de contraste avec les circonstances, presque un ouvrage de circonstance.

Ce n’est cependant pas en vue du présent qu’il a été composé ; il est né, pour ainsi dire, de lui-même dans la pensée de l’auteur, sous l’empire des souvenirs de famille. Le possesseur du magnifique château de Maintenon avait formé le dessein de donner une édition soignée des lettres de la femme qui a rendu ce nom célèbre, lettres publiées fort incomplètement jusqu’ici et mutilées par La Beaumelle. En tête de l’édition, M. de Noailles avait eu la pensée de placer une vie de Mme de Maintenon, où fussent expliqués les principaux événemens du règne de Louis XIV, événemens auxquels elle a été plus ou moins mêlée ; mais il y a des figures historiques qui attirent, et des époques dont on n’approche point impunément : en présence de Louis XIV et de son siècle, M. de Noailles n’a pu résister au désir de tracer les principaux traits de cette grande figure et de ce grand siècle. Heureusement pour nous, sans sortir de son sujet, il l’a agrandi ; sans jamais perdre entièrement de vue Mme de Maintenon, que parfois cependant il oublie un peu, il a peint la société, la cour, le règne au milieu desquels elle a vécu ; il a rencontré sur son chemin la politique, l’administration et les amours de Louis XIV, Bossuet et Fénelon, Port-Royal et Saint-Cyr, la révocation de l’édit de Nantes et la querelle du quiétisme, et il a traité tous ces sujets, sur lesquels il y a en circulation plus d’idées arrêtées que de notions justes, avec beaucoup de mesure et de solidité, avec une sympathie sans aveuglement : harmonie précieuse entre le sujet et l’auteur, qui ajoute à l’intérêt des faits et n’ôte rien à l’exactitude, qui répand sur tout l’ouvrage le mérite du naturel et le charme de la sincérité.

Il faut se garder de prendre au pied de la lettre une assertion beaucoup trop modeste de la préface : « Ce livre, n’apprendra rien à personne. » Moi, je dirai : Il apprendra quelque chose à tout le monde. En effet, présenter sous un jour nouveau et sous un jour plus vrai des événemens