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supérieur, par le principe éminemment libéral de l’égalité des nationalités. Aussi Jellachich s’écrie-t-il, dans un moment d’inspiration sensée : Si l’Autriche n’existait pas, il faudrait l’inventer ! En frappant sur l’insurrection de Vienne, ce n’est pas tel ou tel système social qu’il prétend frapper ; c’est l’alliance de la race allemande avec la race magyare, c’est l’obstacle à l’invasion de la race slave dans le gouvernement de l’Autriche.

Cette pensée méritait d’être comprise par les Tchèques et les Polonais de la diète de Vienne. Les députés tchèques l’ont saisie d’instinct. Leur premier mouvement, dès le lendemain de l’insurrection, a été de se retirer à Prague et de faire de là un appel à tous les députés slaves. C’était pour les slavistes savans, comme Palaski et Schafarik, une belle occasion de reprendre la thèse développée, quelques mois auparavant, au sein de ce congrès slave, où l’on avait proposé pour la première fois avec solennité l’union politique des Slaves autrichiens. L’épée inflexible de Windischgraetz avait tranché brusquement la question au moment même où le congrès allait publier le résultat de ses travaux et un manifeste à l’Europe. Les Tchèques, bombardés et massacrés ainsi tout récemment par ordre de Vienne, se déclaraient cependant les plus fermes soutiens de l’empereur, au risque d’avoir à combattre à côté de ce même Windischgraetz dont le nom est écrit en caractères sanglans sur le pavé de Prague. Ils n’hésitaient pas, en dépit de ce douloureux souvenir, à se ranger sous les drapeaux de l’empereur, tant cette conduite leur semblait commandée par l’intérêt slave lui-même en présence du pacte germanico-magyar.

L’exemple des Tchèques aurait dû éclairer les Polonais de la diète sur les vrais intérêts de leur race. Quelques-uns étaient résolus à imiter les Tchèques ; mais d’autres restaient indécis dans les perplexités du patriotisme, et plusieurs enfin s’étaient entièrement mépris sur le caractère et les conséquences de l’insurrection. Ils essayèrent de se concerter. Au milieu de ces circonstances solennelles, les débats furent passionnés et marqués par des scènes déchirantes. L’un des plus actifs et des plus intelligens députés de la Gallicie, George Lubomirski, y fut frappé dans sa vive intelligence ; sept quittèrent la diète ; les autres restèrent en proie à l’indécision ou se laissèrent entraîner par le désir d’arracher à la diète de Vienne quelques concessions spéciales pour la Pologne au milieu de la crise. Dans la pensée de ceux qui se retiraient, la diète avait changé de caractère ; elle s’écartait du principe de l’égalité des races ; elle travaillait au profit des Magyars et de l’Allemagne. « Eh quoi ! disait l’un de ceux-là, M. Ladislas Zamoyski, dans un manifeste à ses électeurs, une partie de la diète de Francfort n’a-t-elle pas déclaré dans son message à la diète de Vienne que celle-ci a