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membres, les placer dans une situation difficile à garder même pendant la veille, et alors, au lieu de retomber par leur propre poids, ils conservent indéfiniment la position donnée par une main étrangère. De cette variabilité du mode d’action de l’éther, des diverses conséquences qu’entraîne l’emploi de cette substance, l’auteur conclut qu’il est des circonstances où l’éthérisation peut être contre-indiquée. Aussi conseille-t-il avec raison de faire précéder l’éthérisation définitive de quelques essais destinés à fixer le praticien sur les résultats qu’entraîne chez chaque patient en particulier l’absorption des vapeurs éthérées. Cette pratique a en outre l’avantage de rassurer les malades méfians ou déraisonnables, et par conséquent de faciliter l’opération.

Au reste, si le mode d’éthérisation proposé par l’auteur passe décidément dans la pratique, ces dernières raisons perdront de leur valeur. En effet, ce qui étonne et rebute bien des malades, c’est la nécessité de respirer ces vapeurs d’éther, qui, dès l’abord, irritent violemment les bronches et l’arrière-gorge. Pour éviter cet inconvénient, M. Pirogoff a eu l’idée de recourir à l’éthérisation per anum. Nous devons dire que ce mode de procéder, communiqué l’année dernière à l’Académie des Sciences de Paris, n’a pas eu, entre les mains de ceux qui ont voulu l’expérimenter, tout le succès dont s’applaudit le médecin russe ; mais probablement la non-réussite a tenu à l’ignorance de précautions dont M. Pirogoff proclame hautement la nécessité. C’est aussi à l’état de vapeur que l’éther doit être introduit dans le canal digestif, et quelques gouttes d’éther liquide suffisent pour faire manquer l’expérience par l’irritation qu’elles produisent et leur vaporisation trop rapide. M. Pirogoff assure avoir employé sa méthode dans quarante cas, et, à en juger par les détails comparatifs qu’il donne, elle présenterait dans plusieurs circonstances des avantages réels. L’assoupissement s’obtiendrait avec plus de rapidité, le relâchement des muscles serait beaucoup plus complet ; la narcotisation, plus durable et généralement plus profonde, permettrait de mener à fin des opérations plus longues et d’éviter au malade jusqu’aux fatigues du pansement ; la congestion cérébrale serait presque toujours nulle, et, en tout cas, considérablement diminuée. On voit que, sous bien des rapports, le procédé de M. Pirogoff serait préférable à ceux que l’on a employés jusqu’à ce jour dans l’administration de l’éther ; aussi n’hésiterons-nous pas à le recommander aux praticiens. Si l’expérience confirme toutes les promesses du médecin de Saint-Pétersbourg, l’éthérisation per anum devra probablement être préférée dans la plupart des cas où on ne pourrait avoir recours au chloroforme, dont l’emploi est encore bien plus facile et tout aussi certain que celui de l’éther.


BIBLIOGRAPHIE ADMINISTRATIVE[1]. — Nous ne savons pas si la France est le pays du monde le mieux administré ; mais il est incontestable que notre pays est celui où l’on administre le plus, où les candidats aux fonctions administratives sont le plus nombreux, où les documens et les traités sur l’administration se sont le plus multipliés. Un bibliothécaire instruit, assez modeste néanmoins pour refuser son nom à ses lecteurs, M. Delapeyrie, a entrepris de porter l’ordre et la

  1. 1 volume in-8o, chez M. Pierre Dupont, rue de Grenelle-Saint-Honoré, 55.