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le champ de ses opérations. Par conséquent, ses bénéfices avaient fléchi. En effet, elle n’avait réalisé, cette année-là, qu’un modeste intérêt de 9 pour 100, non compris cependant les rentes acquises avec son capital, et qui lui procuraient une recette annuelle de 4,952,585 francs, ce qui élevait bien à 16 pour 100 le chiffre définitif des dividendes acquis à ses actionnaires. C’était trop peu aux yeux des directeurs. Pendant ce temps, il est vrai, les simples capitalistes étaient obligés de se contenter de quelque 3 pour 100 péniblement perçus sur les fonds qu’ils plaçaient, non sans quelque risque, chez des banquiers particuliers, afin que ces derniers pussent escompter à un taux égal ou inférieur à celui de la Banque, ou bien, s’ils les déposaient, pour plus de sûreté, dans les caves mêmes de la Banque, ils devaient se résigner à ne rien percevoir du tout. La Banque, néanmoins, accoutumée à de meilleurs partages, trouvait cette condition fort dure pour elle, et aspirait à voir ses bénéfices grossir. Ses vœux ne tardèrent pas à se réaliser. Voici la gradation ascendante que suivirent, dans les années 1844, 1845 et 1846, les opérations de l’établissement central, non compris celles des comptoirs :


Années Escomptes et avances Produits Dividendes
1844 809,257,949 fr 6,124,510 fr. 9 pour 100.
1845 1,101,408,383 8,441,478 12,4
1846 1,294,264,462 9,809,206 14,4

Ainsi, les avances de la Banque s’élevèrent successivement de 809 millions en 1844 à 1,294 millions en 1846. De 9 pour 100, ses bénéfices s’élevèrent à 14,4, toujours sans y comprendre les 4,952,585 fr. de rente annuelle qu’elle percevait tranquillement sur son capital, tandis qu’elle faisait valoir dans son commerce les fonds d’autrui.

Pendant que le chiffre des escomptes grossissait ainsi d’année en année, la caisse de la Banque se maintenait pourtant dans un état très florissant, au milieu de circonstances d’ailleurs défavorables. Malgré la disette des céréales, qui avait nécessité, dès le commencement de 1846, une large exportation de numéraire, le solde des espèces était, à la fin du premier trimestre de cette dernière année, de 202,530,000 francs situation brillante en apparence, et qui semblait devoir rassurer contre toutes les éventualités. Malheureusement, cette somme se composait presque exclusivement de capitaux étrangers, tous sujets à rappel, tous placés là dans l’attente de quelque emploi futur, et qui pouvaient être retirés en masse aussitôt qu’une grande occasion de les utiliser viendrait s’offrir. Ne reconnaît-on pas là le trait caractéristique de cette situation extraordinaire que le privilège enfante ? Faut-il s’étonner qu’avec de semblables conditions les embarras surgissent ?

Au surplus, personne n’a mieux indiqué les vices et les périls de