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effet, toutes les valeurs ont fléchi, parce que la demande est moindre. Hier, chaque portion de capital créait deux acheteurs : le propriétaire de ce capital et la banque, qui s’en servait en attendant. Aujourd’hui, ils ont disparu l’un et l’autre ; il y a deux acheteurs de moins et un vendeur de plus. Ainsi tous les fonds baissent rapidement : déjà même la bourse a vu quelques désastres. Le moyen de songer à vendre quelque 50 à 60 millions de rentes dans un pareil moment ! Il faut recourir aux expédiens. Heureuse la banque si, dans cette situation critique, elle trouve à point nommé un souverain étranger qui la débarrasse de ses rentes, ou une banque d’un état voisin qui lui vienne en aide par un prêt, ou enfin quelque amas de vieilles pièces démonétisées, ou de lingots oubliés dans un coin, qu’elle puisse immédiatement convertir en numéraire !

Quand le cercle des expédiens a été épuisé sans succès, et c’est le cas ordinaire, on en vient enfin au grand, au suprême remède. On prend une résolution désespérée. La banque resserre tout à coup ses escomptes, soit en élevant brusquement le taux de l’intérêt, soit en refusant une grande partie des effets qu’on lui présente. C’est le coup de grace pour le commerce. Alors la mine éclate, et le sol se couvre de ruines. La débâcle est générale. Les entreprises nouvelles, commencées sous de si brillans auspices, avortent, parce que les versemens s’arrêtent ; les avances faites, les travaux commencés sont perdus. En même temps, un grand nombre de maisons anciennes s’écroulent toutes les autres sont ébranlées. C’est un désarroi universel.

Pour la banque cependant, le remède employé est efficace. Il semble d’abord qu’elle devrait être entraînée dans le commun naufrage ; mais non : il n’y a de sacrifiés que les malheureux qui avaient étendu leurs opérations sur la foi des crédits accordés par elle, et qui avaient cru pouvoir compter sur la continuité de son appui. Dès l’instant que tout est par terre, entreprises nouvelles et maisons anciennes, les capitalistes, désabusés de leurs rêves, voyant tout chanceler autour d’eux, n’osant plus se fier à rien ni à personne, se hâtent de ramasser les débris de leur avoir, et les rapportent à la banque, dont la haute position peut seule les rassurer. N’est-ce pas là l’établissement unique, l’établissement privilégié que le gouvernement protège ? Auquel avoir confiance, si ce n’est en celui-là ? Ainsi l’accumulation des dépôts recommence pour aboutir, quelques années plus tard, aux mêmes résultats. On conçoit cependant que si, dans un pareil moment, il survenait quelque événement imprévu, quelque grande commotion politique, la banque pourrait se voir entraînée elle-même, à moins que, pour réparer ses fautes, on ne l’autorisât à suspendre ses paiemens en numéraire, en donnant à ses billets un cours forcé.

Voilà donc les conséquences naturelles de ce système d’une banque