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ses entreprises même les plus hardies, il ne s’égare jamais hors des limites du possible. La circulation des banques notamment y est plus mesurée, plus châtiée, plus correcte, s’il est permis de le dire, qu’elle ne l’est dans aucun lieu du monde. Que si le commerce y a été parfois troublé dans son cours, c’est uniquement parce qu’il ressentait, sans pouvoir y échapper entièrement, le contre-coup des crises dont le siège était ailleurs.

Il n’est donc pas vrai que la multiplicité des banques soit une source de désordres. C’est, au contraire, un correctif. Où est-ce, en effet, que les perturbations commerciales ont toujours commencé à se produire ? C’est à Londres, c’est à Paris, où il existe des banques armées de privilèges exclusifs. Voilà leurs sièges ordinaires. C’est toujours là qu’on les voit éclore, pour étendre ensuite leurs ravages au loin. Quelquefois, il est vrai, l’Union américaine y a bien apporté sa large part, alors surtout qu’elle avait aussi une banque centrale munie de privilèges particuliers, et que, dans la plupart des états dont elle se compose, les restrictions étaient nombreuses ; mais il est hors de doute que les principaux foyers de ces désordres sont toujours en premier lieu Londres, en second lieu Paris.

Ce que l’expérience révèle à cet égard, je vais tâcher de l’expliquer. On va voir comment l’exercice du privilège conduit d’une manière presque inévitable à l’enfantement de crises périodiques. Par ce que j’aurai à dire sur ce sujet, on comprendra mieux aussi le caractère de ces perturbations, dont on se fait en général une idée fausse. Pour mettre cette pensée dans tout son jour, on me permettra de me servir d’abord d’une hypothèse. Il me sera facile de montrer ensuite, par le tableau des principales crises qui se sont produites en Angleterre et en France, jusqu’à quel point cette hypothèse concorde avec la réalité.


.I – OPERATIONS D'UNE BANQUE PRIVILEGIEE.

Supposons que, dans la ville capitale d’un grand pays, une banque privilégiée se forme avec un capital réalisé de 60 millions. Sa mission est de faire des avances au commerce sous diverses formes, et particulièrement en escomptant les effets solides qui lui sont présentés. Si elle n’opérait qu’avec son propre capital, elle pourrait le prêter tout entier. Dans ce cas, à supposer qu’elle le prêtât à 4 pour 100, sur bonnes garanties, de manière à éviter toute chance de perte, elle obtiendrait comme


produit brut de son capital 2,400,000 fr.
Déduisant pour frais de gestion 300,000
il lui resterait comme produit net 2,100,000 fr.

Ce qui ne laisserait qu’un dividende de 3 1/2 pour 100 à distribuer entre ses actionnaires.