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sous le nom de Nouvelle-Angleterre, et qui se compose des six états suivans : Rhode-Island, Massachusets, Maine, New-Hampshire, Vermont et Connecticut. Or, nulle part la liberté n’est plus grande quant à l’institution des banques, et nulle part aussi le nombre de ces établissemens n’est plus considérable, eu égard à l’importance de la population. En 1830, d’après les tableaux dressés à cette époque par M. Gallatin, ancien ministre des États-Unis, on comptait dans cette partie de l’Union américaine 172 banques pour une population totale de 1,862,000 ames. C’est, en moyenne, une banque pour 10,825 habitans. Entre ces six états, il y en a même deux, Rhode-Island et Massachusets, qui se distinguent par une tolérance encore plus grande, à tel point qu’il n’y existe, à proprement parler, de restriction d’aucune espèce. Dans le Massachusets, il n’y en a pas d’autre qu’un droit de 1 pour 100 perçu au profit de l’état sur le capital effectif des banques. Dans Rhode-Island, cet impôt même n’existe pas. En conséquence, le nombre de ces établissemens y est, toute proportion gardée, encore plus considérable qu’ailleurs, car on en trouve un pour environ 6,200 habitans, et il est remarquable que ces deux états sont précisément ceux dont la population a le moins souffert des commotions funestes qui ont plusieurs fois ébranlé tout le monde commerçant.

Dans Rhode-Island en particulier, on peut dire que les banques pullulent. On n’en comptait pas, en 1830, moins de 47[1] pour une population de 97,000 ames, ce qui donne le résultat presque fabuleux d’une banque pour 2,064 habitans[2]. À ce compte, et en suivant la proportion, il n’en faudrait pas moins de 16,000 pour la France entière. Eh bien ! avec ce développement sans limites des institutions de crédit, croit-on par hasard que ce petit pays soit affecté plus qu’un autre de ces maladies morales qui provoquent les crises ? Loin de là, il en est, au contraire, particulièrement exempt. Le crédit y est assurément très large, le capital fort abondant, le travail facile, la production active : aussi peut-on dire que la population y recueille la plus grande somme de bien-être matériel dont il ait encore été donné à l’homme de jouir ; mais la spéculation ne s’y emporte guère à de dangereux excès. Le commerce y est très entreprenant, mais très réglé, et dans

  1. Ce nombre doit avoir augmenté depuis 1830, comme dans tout le reste de l’Union, où il avait déjà plus que doublé en 1838.
  2. Il ne faut pas croire pour cela que le capital de ces banques soit insignifiant. Il s’élevait en 1830, pour toutes les banques réunies de Rhode-Island, à 6,118,000 dollars (33,000,000 de fr.), chiffre considérable eu égard à la population, et qui donne, en moyenne, pour chacun de ces établissemens, situés pour la plupart dans de fort petites localités, un capital de 702,900 fr. Si l’on ajoute à cela qu’à cette époque la banque centrale, dite des États-unis, étendait encore ses ramifications dans Rhode-Island comme dans toute la Nouvelle-Angleterre, on pourra se faire une idée de l’action que les banques y exerçaient. Par les chiffres qui précèdent, on pourra juger aussi de la richesse incomparable de ce petit pays.