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persuadés que nous devons les remercier, s’ils ne nous réclament point l’Alsace et la Lorraine au nom de la nationalité allemande. Le gouvernement piémontais a montré quelque souci de notre appui ; mais à quelle époque ? Quand toute chance était perdue pour lui, quand nous étions sa seule ressource contre une ruine imminente. Notre gouvernement nouveau ne fait aucun fondement, dira-t-il, sur les dispositions des cabinets, il ne tient compte que des sympathies des peuples. Où donc ces sympathies ont-elles éclaté ? Dans quel coin du monde s’est-on mis à nous imiter ? Le gouvernement de juillet à peine fondé, une foule d’autres gouvernemens se formaient sur son modèle : la Belgique, le Portugal, l’Espagne, la Grèce, suivaient notre impulsion et nos exemples. Qui nous citera une république faite aujourd’hui à notre image ? Il n’y en a pas, il n’y en aura pas. Nous avons joué, aux yeux du monde entier, le rôle de l’ilote que les Spartiates enivraient pour dégoûter et guérir leurs enfans de l’ivresse. Les sympathies des peuples, nous ne les possédons pas ; les eussions-nous, elles seraient plus fugitives encore et moins sûres que les amitiés des princes, que les protestations des cabinets. Reste l’alliance anglaise. Notre gouvernement issu de février, qui avait tant médit de cette alliance, s’y est converti avec une promptitude que nous avons déjà louée, quoiqu’elle nous ait surpris. Il met à la pratiquer une ardeur qui se ressent, j’ose dire, de la chaleur d’une première passion. Cependant le ministre whig engagé avec nous dans une grave négociation sur le sort de la Lombardie est bien le même qui, le lendemain de la confiscation de Varsovie, n’a pas voulu protester de concert avec nous, le même qui s’est, au contraire, empressé de faire savoir à toutes les cours de l’Europe qu’il tenait la France pour aussi liée que jamais par les clauses du traité de Vienne. L’homme d’état anglais qui traite avec nous de l’avenir de la Sicile, c’est bien encore celui qui, à propos de la Sicile, menaçait le roi de Naples des terribles effets de son courroux, celui qui, délivré par notre intervention, d’une importune querelle, envoyait ses vaisseaux, rendus libres, bombarder les côtes de la Syrie. N’y a-t-il pas dans ces souvenirs des motifs pour se mettre sur ses gardes ? N’est-ce pas le cas de songer au conseil du chancelier autrichien ? L’alliance de l’homme et du cheval est excellente ; mais il faut être l’homme et non pas le cheval : nous devrons nous tenir pour contens, si le gouvernement actuel a été l’homme quelquefois, et pas toujours le cheval.


O D'HAUSSONVILLE.