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comme si nous nous brouillions, nous, avec la Russie. Prenez-y garde cependant, rien n’est plus utile que l’alliance de l’homme avec le cheval, mais il faut être l’homme et non le cheval. »


On remarquera la surprise que le procédé causa au prince de Metternich. Son expérience l’empêcha d’en être dupe. Sa malice prit plaisir à retourner l’arme contre celui-là même qui l’avait mise entre ses mains. Quant au gouvernement français, ai-je besoin de dire qu’averti une fois de plus d’un mauvais vouloir sur lequel il n’avait plus d’ailleurs rien à apprendre, il ne crut, en aucune façon, devoir renoncer à son système de politique extérieure, c’est-à-dire à son alliance avec l’Angleterre, à cause des façons d’agir de son ministre dirigeant, ou des insinuations du chancelier autrichien ? Il continua à ignorer long-temps, à dessein, tout ce qu’il put paraître ignorer, à laisser passer long-temps tout ce qu’il put laisser passer sans honte et sans dommage ; mais il sentit la nécessité de tenir de plus en plus les yeux ouverts et de redoubler de précautions. Il ne serait que trop facile de multiplier les exemples ; ceux que j’ai cités sont suffisans : ils expliquent assez la nature des relations que nous entretenions avec le cabinet britannique au moment où survint l’affaire d’Orient. Ces relations étaient restées bonnes ; l’entente subsistait toujours, seulement il n’y avait plus de cordialité ; de notre côté, la sécurité n’était plus complète.

On le voit cependant, notre situation n’était pas mauvaise aux approches du traité du 15 juillet 1840. Le gouvernement de juillet avait gagné sa cause en Europe ; il avait cessé d’être révolutionnaire ; il était resté libéral ; il était entré dans de bonnes et naturelles relations avec deux des plus grandes puissances continentales, non point comme un parvenu qui accepte la place qu’on veut bien lui offrir, mais comme le digne représentant d’une noble nation qui prend le rang qui lui appartient, respecte les autres, et sait se faire respecter et rechercher elle-même. Si nous avions eu à nous plaindre des procédés du ministre whig, l’alliance anglaise était maintenue. Un seul souverain nous tenait rigueur : c’était l’empereur Nicolas. Le présent donc était assez bon ; le plus prochain avenir s’annonçait meilleur encore. Comment a-t-il tourné autrement ? Comment cette question d’Orient, si grosse de patriotiques espérances ; ne nous a-t-elle apporté que d’amères déceptions ? Comment nous sommes-nous, en fin de compte, trouvés seuls contre tous, obligés, par un juste sentiment de dignité blessée, de nous cantonner dans un isolement volontaire et absolu, c’est-à-dire dans une situation violente, aussi contraire à nos intérêts que fatale à l’Europe entière ? Nous le dirons bientôt.

Nous ne cherchons aucune ressemblance forcée entre les événemens