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Le czar ne soutint même pas jusqu’au bout la lutte mesquine qu’il avait entreprise ; elle lui devint à charge. Le gouvernement fondé en juillet avait duré plus long-temps qu’il n’avait prévu ; il essaya de se mettre avec lui sur un pied plus convenable ; il y était presque contraint. Quoi qu’il eût fait, les cœurs de ses sujets étaient demeurés attachés à la France. Être empêché de visiter Paris, c’était presque un exil pour les seigneurs de Saint-Pétersbourg, un peu blasés sur les plaisirs de cette capitale. Les plus grands personnages de la cour de l’empereur, son entourage, les membres même de sa famille, demandaient à être relevés d’une si rude pénitence. Peu à peu, l’empereur parla moins mal de la France et de son souverain. Un de ses fils fût autorisé à visiter l’Algérie et même un des ports militaires du midi de la France. Le jeune prince se montra gracieux pour les autorités françaises, et parla de la France dans des termes presque chaleureux. Des décorations furent, à cette occasion, échangées pour la première fois entre les deux cours. Enfin, en venant en aide aux embarras momentanés de la Banque de France, en lui vendant à des conditions raisonnables l’or des mines de l’Oural, le czar faisait preuve de confiance, bien nouvelle pour lui, dans la solidité du régime français. Le public a connu ces témoignages assez récens du bon vouloir de la Russie ; il a ignoré peut-être les tentatives faites, à plusieurs reprises, par M. de Nesselrode pour remettre les relations diplomatiques sur l’ancien pied et accréditer officiellement de part et d’autre des ambassadeurs, ou tout au moins des ministres. La cour des Tuileries mit pour condition à ce raccommodement le retour de l’empereur aux formes du protocole officiel dont il avait voulu s’affranchir. Cette exigence, trop pénible pour son amour-propre, fit manquer les premières négociations. Si nous sommes bien renseigné, et nous croyons l’être, de nouvelles négociations s’entamèrent, et elles allaient aboutir quand éclata le mouvement de février. L’empereur s’était décidé, quoi qu’il lui en coûtât, à renouer avec la dynastie de juillet au moment même où elle était précipitée du trône. C’était jouer de malheur.

Il faut en convenir cependant, en 1840, lorsque la brouille était la plus vive entre la cour des Tuileries et celle de Saint-Pétersbourg, l’empereur Nicolas parvint à faire porter à sa mauvaise humeur des fruits assez amers. Il eut la joie d’être la cause première d’un grand trouble en Europe. Les querelles qu’il alluma furent sans profit réel pour les intérêts de son empire ; elles firent courir mille périls à la paix du monde, mais elles lui procurèrent la seule satisfaction qu’il cherchât la rupture de l’alliance entre la France et l’Angleterre. Des hommes habiles ont, par de longs et consciencieux efforts, cherché depuis à relever cette alliance du choc reçu en 1840. Un instant, ils ont pu se flatter d’avoir uni de nouveau les deux peuples, parce qu’ils avaient