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alors existans, le seul qui pût le toucher ? On le comprend maintenant, il parlait de la faiblesse générale des états de l’Allemagne, afin de n’avoir pas à dénoncer lui-même la faiblesse particulière et plus grande des états autrichiens. Quand on regarde ce qui se passe aujourd’hui des bords du Rhin aux rivages de la Baltique et à l’embouchure du Danube, quand on songe dans quelle crise de morcellemens, de luttes intestines et de sanglans désordres la monarchie autrichienne est tombée depuis que cette main exercée a quitté le gouvernail, on se sent porté à rendre justice à la sagesse de celui qui pendant le calme avait prédit l’orage. Ce n’est pas lui qui entretenait des illusions sur la solidité du navire, jadis si puissant, qui portait naguère encore les débris de la fortune des anciens césars de l’Allemagne. Combien long-temps il a réussi à lui conserver l’ancien prestige ! Des pilotes plus confians ont gouverné après lui, qui ont mené le bâtiment se briser sur les écueils.

Tout en demeurant un adversaire ardent des idées constitutionnelles et de notre influence libérale, M. de Metternich n’en jugeait pas moins avec sang-froid les événemens intérieurs de notre pays et tous ceux de son temps. Rien de moins fondé que l’opinion qui voudrait le représenter comme un esprit étroit, poursuivant aveuglément le but fixé par ses passions : loin de là, sa conduite fut toujours réfléchie ; ses plans, arrêtés avec calme, étaient poursuivis avec une résolution obstinée, mais froide. En veut-on une preuve ? Un ministre français ayant dit, dans la conversation, à l’ambassadeur d’Autriche à Paris, à propos des récentes affaires d’Italie, que là comme ailleurs M. de Metternich ne devait pas être porté à croire au succès des opinions modérées, qu’après tout cela était naturel, puisqu’il était d’une autre école et partisan de la résistance absolue, — le ministre autrichien se hâta d’écrire à Paris pour se défendre de ce jugement comme d’une injustice à son égard. Le ton même et le laisser-aller confidentiel de cette espèce de protestation témoignaient de sa sincérité. M. de Metternich disait qu’il croyait au triomphe des idées modérées dans les pays qui avaient, comme la France, traversé plusieurs révolutions… C’est alors un compromis qui acquiert la valeur d’un bienfait… Il ne croyait pas au succès du juste milieu dans la phase où se trouvaient les états italiens ; ce n’était point une révolution qui se fermait, c’était une révolution qui commençait, car les états sont en révolution, qua nd la puissance passe des mains des gouvernemens constitués dans celles d’un autre pouvoir, quel qu’il soit. Il n’était pas vrai qu’il fût partisan de la résistance absolue ; il n’y avait d’absolu que la vérité. La politique est une affaire de conduite qui ne supporte pas l’absolu. En doctrine comme en fait, il n’avait jamais essayé de l’absolu. Sa résistance à l’esprit révolutionnaire avait été quelquefois active, comme en 1820, quelquefois