Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un gouvernement déjà si maître de lui-même et si bien obéi. Notre modération ramenait ceux que nos actes de rigueur avaient heurtés. Une occasion seule manquait qui permît à la Prusse et à l’Autriche de substituer à leurs rapports avec nous, bons au fond, mais un peu tendus, un échange de procédés plus conformes à leurs véritables dispositions.

Nos discordes parlementaires et les changemens survenus dans notre administration intérieure fournirent cette occasion, ou plutôt ce prétexte. Il ne serait pas vrai de dire que les influences extérieures eussent amené la chute du cabinet du 11 octobre, tombé à propos de la conversion des rentes, question de régime domestique s’il en fut ; mais il y aurait une égale exagération à soutenir que la diplomatie européenne y fût restée complètement indifférente. En votant une réforme financière, qu’ils n’eurent jamais, d’ailleurs, le bonheur de réaliser, les membres de la majorité servirent en 1835, sans aucun doute à leur insu, et la plupart contre leur penchant, les secrets désirs des puissances absolues. Le maintien aux affaires des ministres qui avaient agi et parlé pour la France, quand la France avait dû répondre aux mesures provoquantes par des mesures plus provoquantes encore, aux mots blessans par des mots plus blessans, contrariait singulièrement les velléités de rapprochement des cabinets de Vienne et de Berlin. Il les gênait d’autant plus que les amours-propres seuls étaient enjeu, et qu’à vrai dire, il y avait peu à changer au fond même des choses. Les hommes du 11 octobre n’avaient pas été si cassans qu’on aimait à les représenter, et l’on ne comptait pas, autant qu’on se plaisait à le dire, sur la facilité de leurs successeurs ; mais il était commode, pour les puissances qui se proposaient de modifier l’ancienne attitude, de pouvoir donner à croire au public que la modification avait été réciproque et simultanée. C’était là sans doute, aux yeux des diplomates étrangers, le bénéfice le plus clair des nouvelles combinaisons ministérielles. Par cette raison plus que par toute autre, ils affectèrent d’accueillir avec joie l’avènement des cabinets du 22 février et du 15 avril. En fait, cependant, depuis cette époque et jusqu’en février 1848, le ton des communications journalières des cours de Vienne et de Berlin devint conciliant, souvent presque amical. Une seule fois, quand la question d’Orient divisa si profondément la France et l’Angleterre, ces cabinets ne surent pas résister à la tentation de prendre encore une fois parti contre nous, et de nous rejeter assez étourdiment, et eux avec nous, dans une de ces situations violentes dont ils étaient toujours les premiers à s’effrayer et les plus pressés de sortir. Dans toutes les autres circonstances, non-seulement la Prusse et l’Autriche se montrèrent soigneuses de notre amitié, mais empressées à nous donner des preuves de leur bon vouloir, voire, en certains cas, de la préférence qu’elles