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de francs qui sont versés dans les caisses de l’état[1]. Il s’en faut cependant que les états-généraux de Hollande approuvent sans restriction l’administration financière de Java, et croient que le gouvernement colonial tire tout le parti possible des ressources qu’il a mission d’exploiter au profit de la mère-patrie. Comme le disait l’année dernière un des députés aux états-généraux, en faisant allusion aux dangers que présentait pour l’avenir l’occupation de Laboean et de Sarawak par les Anglais, « l’appétit vient en mangeant. » La Hollande s’est accoutumée à profiter presque exclusivement de l’excédant des recettes du budget colonial, et elle désire avant tout, pour elle-même, que cet excédant augmente d’année en année. Nous comprenons ces préoccupations sans les partager entièrement. Les ressources de Java sont immenses. Si le développement de ces ressources, hâté sans doute par le nouveau système des cultures, n’est pas encore aussi régulier, aussi considérable qu’il pourrait l’être, il faut s’en prendre à certains vices d’administration, et surtout au délabrement des finances de la mère-patrie. L’état de ces finances, en effet, n’a pas permis que le surplus des recettes coloniales fût appliqué, au moins dans une certaine proportion, aux besoins de Java et de ses dépendances. Le gouvernement des Pays-Bas comprendra la nécessité, en vue de l’avenir, « d’apporter une sollicitude toute particulière à la prospérité des établissemens néerlandais aux Indes orientales[2]. » C’est à la fois son intérêt et son devoir. Il faut que Java soit forte et respectée, il faut qu’elle soit, de fait comme de nom, la reine de l’archipel, il faut enfin que sa population croissante participe largement aux bienfaits de la civilisation ; mais, en exploitant cette mine inépuisable, il faut craindre de fouiller trop avant dans son sein. L’amélioration de la situation financière de la mère-patrie, l’avenir de Java, reposent sur des concessions mutuelles, et la Hollande est trop prévoyante pour exiger de ses colonies des sacrifices qui dépasseraient leurs forces, ou qui porteraient atteinte à leurs droits.


A. D.-B. DE JANCIGNY.

  1. L’administration civile des Indes néerlandaises a nécessité, dans ces derniers temps ; l’emploi d’environ dix-neuf cents fonctionnaires (les petits chefs indigènes non compris). Un assez grand nombre de fonctionnaires européens cumulent deux, trois et même quatre emplois distincts ; mais la plupart de ces cumuls n’entraîne aucune augmentation de traitement. Les dépenses générales, pour deux mille et quelques emplois civils remplis par ces dix-neuf cents fonctionnaires, européens et indigènes, s’élèvent en tout à environ 15 millions de francs. Le traitement du gouverneur-général est d’à peu près 300,000 francs. — Si l’on réfléchit que le budget des recettes des Indes orientales néerlandaises s’élève à 150 millions de nos francs, on conviendra que les Hollandais ont résolu à Java le problème dont nous recherchons en vain la solution en France, même sous l’influence des théories républicaines, celui d’un gouvernement à bon marché.
  2. Paroles prononcées par le roi de Hollande dans le discours d’ouverture des états-généraux, le 19 octobre 1846.