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à une politique conciliante, à faire accepter quelques-uns des bienfaits de la civilisation européenne aux peuples qui subissent leur empire ; mais, au-delà de ces grands établissemens européens, l’influence morale et politique de l’Occident est à peu près nulle, et son avènement prévu n’inspire que l’effroi. L’empire birman, le royaume de Siam, la Cochinchine et l’immense empire chinois traitent, il est vrai, avec les puissances européennes, admettent leurs vaisseaux dans leurs ports, permettent à quelques individus de cette race maudite de former quelques minces établissemens sur leur territoire ou dans leur voisinage ; mais un sentiment instinctif de répulsion semble présider à toutes leurs relations avec les Européens, excepté en ce qui touche au commerce, et encore les relations commerciales se bornent-elles aux échanges qui peuvent s’effectuer sur les côtes ; l’intérieur des pays est interdit plus ou moins complètement aux étrangers. En Chine, la terreur des armes anglaises a arraché quelques légères concessions ; mais l’isolement est le grand principe de gouvernement, la loi fondamentale de l’état. Enfin, au Japon, cette loi tyrannique est appliquée avec une rigueur inconnue, même dans le Céleste Empire. Là, l’isolement volontaire a été hautement proclamé à la face du monde, et la nationalité japonaise a fait du respect ou de la violation de ce principe une question de vie ou de mort pour les Européens comme pour elle[1].

La tendance stationnaire, l’hostilité instinctive des peuples orientaux n’est pas toutefois le seul obstacle qu’aient à surmonter les puissances européennes dans l’extrême Asie. Elles y rencontrent encore dans leurs propres intérêts, souvent rivaux, une nouvelle cause de lutte. Pour qui veut donc connaître, sous tous ses aspects, la politique de ces puissances vis-à-vis de leurs colonies asiatiques, il est nécessaire de distinguer, entre les questions à résoudre, celles qui n’intéressent directement que les populations conquises, celles qui relèvent avant tout du droit international. Ces deux faces diverses de la politique coloniale, nous aurons à les signaler plus d’une fois dans le cours de ces études sur la domination néerlandaise dans l’extrême Orient. C’est même d’une question purement diplomatique, soulevée par la rivalité de l’Angleterre et de la Hollande, que nous voudrions nous occuper d’abord ; mais avant tout il faut montrer, par un exposé rapide, sur quelles bases essentielles le gouvernement de Java a fondé sa puissance.

  1. La poignée de Hollandais tolérée au petit comptoir de Dézima semble être une exception à l’inexorable rigueur de cette mesure ; mais, par le fait, les Hollandais de Dézima ont abdiqué leur nationalité. Ils ont consenti à vivre dans une véritable captivité plutôt que de rompre le lien commercial qui unit depuis plus de deux siècles la Hollande au Japon.