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c’est-à-dire au vif, par un travail critique de M. Vitet que les lecteurs de la Revue n’ont pas oublié, le ministre des finances n’a pu s’empêcher de porter sa plainte à la tribune sans beaucoup d’ambages ; nous y revenons nous-mêmes par un point pour prouver l’habileté avec laquelle on groupe encore les chiffres sous la république. L’encaisse actuel, comparé à celui de l’année dernière à pareille époque, est supérieur d’une soixantaine de millions, selon M. Goudchaux ; mais M. Goudchaux se garde bien de se demander si, au 30 septembre 1847, le trésor était, comme aujourd’hui, momentanément pourvu par les versemens presque simultanés de trois gros emprunts.

Notre querelle avec M. Goudchaux ne nous empêche pas d’ailleurs de lui souhaiter longue vie comme à tous ses collègues. L’épreuve décisive doit se faire lundi : le sort du nouveau cabinet se jouera sur une question de confiance. M. Portalis, en prenant aujourd’hui la parole au nom d’un parti que nous plaignons d’avoir de pareils organes, a fait comprendre à l’avance que les explications seraient orageuses. Le National tourne au sombre ; ceux de ses amis qu’il a improvisés maires et colonels de la capitale parlent de donner leur démission. M. Ducoux interromprait aussi ses études sociales et ne continuerait plus Parent-Duchâtelet. Il y a de pires malheurs que ceux-là. Puissent seulement ces malheurs, plus ou moins médiocres, ne pas chercher à se rendre importans en nous en créant d’autres qui seraient plus sérieux ! On est prêt du reste à tout événement.

Le voile qui couvre la situation extérieure n’est pas encore déchiré par la dernière explosion de Vienne. Essayons pourtant de jeter quelque lumière sur ces terribles événemens et d’en démêler la trame au milieu d’un conflit si acharné.

L’avenir de l’Allemagne est compromis par une propagande démagogique qui rêve une refonte absolue de toute la confédération. Suppléant au nombre par l’audace et par l’activité, cette propagande offre comme séduction, comme récompense à la jeunesse des écoles, l’établissement d’une patrie unitaire et républicaine, à la masse des classes souffrantes les merveilles copiées sur nos formulaires socialistes. Représentée dans les assemblées constitutionnelles par de très minces minorités, elle aspire partout à bouleverser les autorités régulières au moyen de la force brutale, pour installer sur leurs ruines ces minorités triomphantes, et réaliser contre nature son indivisible république. C’est elle qui, l’autre mois, s’insurgeait contre le parlement de Francfort en prenant pour prétexte la sanction donnée à l’armistice danois, de même que nos émeutiers du 15 mai couvraient leur expédition du nom de la Pologne. C’est elle qui, pour ce mois-ci, convoque un autre parlement à Berlin, un second parlement central où le radicalisme, ayant seul droit de séance, élèverait pouvoir contre pouvoir vis-à-vis de Francfort. C’est elle, enfin, qui a notoirement conduit la bataille gagnée dans les rues de Vienne ; il n’y a qu’elle en Autriche qui ait un si grand intérêt à détruire de fond en comble l’état autrichien.

Détruire l’Autriche, détruire la Prusse, telle est la première ambition des démagogues allemands ; c’est comme cela qu’ils imaginent fortifier et grandir l’Allemagne. Si la France était la plus cruelle ennemie de ses voisins d’outre-Rhin, elle n’aurait pas d’autre triomphe à leur souhaiter. Quoi qu’il en soit, du Rhin au Danube et à l’Oder, la crise n’a jamais été plus menaçante qu’elle l’est maintenant après cette victoire remportée par la propagande à Vienne. S’il n’ar-