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frappé à jamais d’inertie, comme la matière qui n’a jamais vécu. Aussi l’immobilité qu’observa Nysten sur les cadavres de quarante individus, dont il avait soumis quelques muscles aux courans galvaniques, fut-elle considérée par lui comme un des signes qui annoncent le plus certainement l’extinction totale de la vie.

Pendant qu’en France les physiologistes cherchaient à déterminer le degré de certitude des signes de la mort, l’impulsion qui les entraînait s’était communiquée à l’Allemagne. Les ouvrages des médecins français furent bientôt traduits et donnèrent lieu à de nouvelles publications. L’un de ces écrits, le plus célèbre de tous, frappa les esprits d’une sorte de terreur. Il est dû à Hufeland, qui s’attacha surtout à prouver l’incertitude des signes de la mort contrairement aux assertions de Louis. L’effroi qu’il causa fut tel, que plusieurs gouvernemens de l’Allemagne crurent devoir ordonner l’établissement de maisons mortuaires. L’opinion publique, cependant, fut moins vivement émue en France, et jamais l’on ne tomba, sauf quelques exceptions insignifiantes, dans les exagérations de nos voisins d’outre-Rhin.

Tel était, il y a onze ans à peine, l’état de la question relative aux signes de la mort et au danger des inhumations prématurées, lorsque, en 1837, un professeur de l’université de Rome, M. Manni, proposa dans une lettre adressée à l’Académie des Sciences de Paris, de faire les fonds d’un prix spécial de 1500 fr. à décerner au meilleur mémoire sur les morts apparentes et sur les moyens de remédier aux accidens qui peuvent en être la conséquence. Convaincue de l’importance qu’il y aurait à résoudre une difficulté qui avait occupé les médecins et les légistes depuis tant d’années, la section de médecine et de chirurgie, consultée par l’Académie tout entière, accepta l’offre avec reconnaissance, et le gouvernement, auquel étaient adressés chaque jour de nombreux mémoires sur le danger d’inhumer trop tôt les citoyens, autorisa, par une ordonnance datée du 5 août de la même année, l’acceptation des fonds offerts par le professeur de Rome.

L’appel qu’avait fait l’Académie des Sciences aux hommes de travail, en proposant cette double question : Quels sont les caractères des morts apparentes ? Quels sont les moyens de prévenir les enterremens prématurés ? ne resta pas long-temps sans résultat. Parmi les divers mémoires qui ont été successivement présentés au concours, il en est un qui parait avoir rempli entièrement l’attente de la docte assemblée. En exposant leur opinion sur ce mémoire, les membres de la commission d’examen, MM. Rayer et Magendie, ont eu eux-mêmes à traiter la question soulevée par le professeur de Rome, et leur dissertation savante a complété victorieusement la démonstration commencée par le travail couronné. Le plus sûr moyen d’éviter les enterremens prématurés était de distinguer, parmi les divers signes de la mort, celui qui mérite à la fois le plus de confiance et qui se produit le plus rapidement. Tel est aussi le but atteint par M. Bouchut, auteur du mémoire dont les conclusions ont trouvé dans les suffrages de MM. Rayer et Magendie une confirmation si éclatante.

Une rapide énumération des phénomènes qui accompagnent et suivent la mort fera mieux comprendre la portée de la découverte sanctionnée par l’Académie. Quand la vie est sur le point d’abandonner le corps qu’elle avait animé, les sens s’éteignent peu à peu, la respiration devient difficile, anxieuse, râlante ; enfin, la dernière expiration se fait, et, les extrémités du corps ne recevant plus