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sous le commandement duquel elles étaient placées, les lui abandonne sans plainte ni résistance. L’empereur refuse de sanctionner le décret qui autorise l’émission d’un papier-monnaie. On répond à ce refus en décrétant la peine de mort contre quiconque refusera les nouveaux assignats. On rassemble quelques troupes sur la frontière de Croatie : le ministre de la guerre Mezzaros en prend lui-même la direction ; mais ces troupes, formées en grande partie de Slaves, d’Allemands, montrent une grande répugnance à la guerre civile qu’on leur prépare. Le deuxième régiment de Transylvanie, composé de Valaques, conduit à marches forcées jusqu’à Szégédin, refuse d’aller plus avant, fait volte-face et retourne dans ses anciens campemens.

C’est vers cette époque (10 septembre) que la diète se résolut à faire une démarche directe auprès de l’empereur. On nomma une députation à la tête de laquelle était le président des états, Pàzmandy. Les députés furent introduits à Schoenbrünn auprès de l’empereur. Rien de plus sévère que le discours que la diète adressait à son souverain : « C’est au nom de la fidélité que nous avons témoignée depuis des siècles à vos ancêtres que nous venons vous demander aujourd’hui le maintien des droits du royaume. La Hongrie n’a pas été réunie à votre couronne comme une province conquise, mais comme une nation libre, dont les privilèges et l’indépendance ont été assurés par le serment de votre majesté à son couronnement… Les vœux du peuple ont été remplis, grace aux lois rendues par la dernière diète ; pourquoi les droits de la nation sont-ils menacés par une insurrection dont les chefs disent hautement qu’ils combattent dans l’intérêt de votre majesté ? Tandis que le sang de la Hongrie coule en Italie pour défendre la monarchie autrichienne, une partie de ses enfans est excitée perfidement contre l’autre, et repousse l’obéissance due au gouvernement légal du pays. L’insurrection menace nos frontières, et, en prétendant travailler à raffermir votre autorité, attaque, par le fait, l’intégrité du royaume, nos anciennes et nos nouvelles libertés !…

C’est au nom du peuple que nous demandons à votre majesté de donner l’ordre aux régimens hongrois d’obéir sans réserve, et nonobstant tous autres ordres, au ministère hongrois. Nous voulons que la Croatie soit affranchie du despotisme militaire pour qu’elle puisse s’unir fraternellement à la Hongrie. Nous demandons enfin que votre majesté, se dégageant des conseils réactionnaires qui l’entourent, donne sa sanction immédiate à toutes les mesures votées par la diète, et vienne habiter à Pesth, au milieu de son peuple, là où sa royale présence est nécessaire pour sauver la patrie. Que votre majesté se hâte ! des malheurs sans nom pourraient venir du moindre retard. »

L’accent de l’orateur et l’attitude générale des députés ne laissaient