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guerres, incendies, bombardement de villes, est de l’histoire de tous les siècles.

Nous n’étions pas pressé d’arriver aux événemens du jour, nous avions choisi ces études hongroises pour nous en éloigner au contraire ; nous avions remonté jusqu’à saint Étienne, on ne pouvait fuir plus loin. Cette histoire, remplie de particularités curieuses, d’événemens bizarres ; cette nation, mélange de tant d’autres nations, aspirant avec une impatience si fière et si noble à la liberté, la rencontrant si rarement pour elle, la refusant aux autres ; ces caractères individuels si fortement tranchés, un reste de mœurs grossières ; l’hospitalité orientale au fond des châteaux ; dans les salons, l’esprit vif et animé, la conversation brillante, dont Paris croyait avoir le monopole ; la civilisation touchant de si près à l’état de nature ; des palais sur les marches desquels dorment des bohémiens ou des pâtres armés de grandes lances ; au milieu de tout cela, une pléiade d’hommes éminens revendiquant pour leur patrie les bienfaits de la liberté dans l’ordre, sous la loi et par la loi, élevant chaque année la tribune où ils montaient, ceints du sabre de leurs rudes aïeux, au niveau des tribunes des parlemens de France et d’Angleterre : voilà ce que nous voulions contempler et montrer à loisir.

La Hongrie avait jusqu’ici une existence à part, un tempérament particulier, des causes de progrès et de décadence qui lui étaient propres ; elle grandissait ou déclinait avec une originalité marquée. Ce qui se passe aujourd’hui chez elle échappe à son histoire particulière ; c’est de l’histoire universelle. Le fléau européen est venu s’abattre aussi sur cette contrée reculée : elle court maintenant les fortunes que nous courons tous ; nul ne peut dire qui guérira ou qui mourra ; les premiers se sauveront par des remèdes tout autres que ceux qu’on avait préparés de loin pour des maladies anciennes et connues, les derniers périront sous la force fatale du mal, sans que leur première santé ou le régime les préserve. Qu’importe alors d’avoir été malades ou bien portans ? pourquoi étudier curieusement les symptômes et les natures diverses ? Ce mal ne se modifie pas selon les tempéramens qu’il rencontre ou les régions qu’il traverse. Qu’importe qu’un pays soit fiévreux ou non, quand le choléra s’abat sur lui ? En politique comme en physique, les hommes sont les victimes, les pays sont les théâtres de ces grandes catastrophes ; mais la constitution particulière ne sauve ni ne tue. Les plus terribles épreuves ne seront pas épargnées à la Hongrie ; la guerre civile l’ensanglante déjà, l’anarchie est dans les murs de sa capitale, l’ennemi dans son sein ; jamais ses amis n’eurent plus à