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Qui soulèvera le voile épais dont ces événemens sont enveloppés ? Qui prononcera en dernier ressort sur l’innocence et sur la culpabilité des principaux acteurs dans ces tristes scènes ? Je crois, pour ma part, qu’il serait d’autant plus mal à propos de prononcer aujourd’hui une sentence, que le procès n’est pas entièrement instruit ; bien plus, les parties intéressées sont toujours sur le théâtre de l’action, le dernier acte du drame n’est pas joué, et nous ne savons pas quel en sera le dénoûment. Nous avons donc mieux à faire que de nous accuser ou de nous défendre. Le seul accusé que l’on ne puisse laisser sous le poids d’un soupçon, c’est le peuple ; car, si le peuple est réputé indigne de la liberté, il ne peut espérer de l’acquérir. Tant que durera la guerre, tout autre procès que celui de la nation italienne est déplacé.

Les partis n’en sont pas venus dernièrement en Italie jusqu’aux hostilités déclarées ; mais aujourd’hui il faut mieux encore que cette trêve prudente, il faut un redoublement d’union. Ne prononçons pas les mots qui pourraient éveiller des passions politiques, donnons-nous tous la main, et réservons toute notre haine et notre énergie contre l’ennemi. Quant aux généraux soupçonnés, quant au roi lui-même, l’Autrichien n’est-il pas en Lombardie ? Charles-Albert n’a-t-il pas une armée à lui opposer ? Ne peut-il pas demain remporter une victoire ? Et de quel plaidoyer aurait besoin le libérateur de l’Italie ? Le Piémont, ne l’oublions pas, est à la veille de reprendre les armes ; les volontaires lombards, ayant Garibaldi à leur tête, attendent avec impatience le moment de recommencer leur guerre de partisans. Venise a proclamé pour la seconde fois la république, et seule, au milieu des mers dont pendant tant de siècles elle fut la reine, elle défend l’étendard de l’indépendance italienne. Ce sont là des forces qui, bien dirigées, peuvent suffire à effacer la trace de nos récens désastres, sans parler de l’influence que la France met au service de notre cause, et qui ne s’exercera pas en vain sans doute dans les prochaines négociations. Espérons donc que l’honneur de l’Italie obtiendra enfin une réparation ; espérons surtout que de funestes divisions ne viendront plus entraver tant de généreux efforts, et que notre indépendance, une fois reconquise, ne sera plus remise en question.