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roi : Le peuple ne se battra pas. Je compris alors qu’une démarche était nécessaire pour prémunir le roi contre ces faux rapports, et je me décidai à la tenter.

Le roi avait établi momentanément sa résidence dans une petite auberge voisine de la ville. Je m’y rendis le soir même, et j’exposai le but de ma visite à son secrétaire, le comte C… Après m’avoir écoutée avec attention, le secrétaire me dit qu’en effet plusieurs personnes avaient annoncé au roi que la population de Milan ne voulait pas se battre, mais que le moment viendrait bientôt de s’assurer qui avait raison. Le roi, me dit-il, défendra Milan jusqu’à la dernière extrémité ; il n’est plus permis d’en douter depuis qu’il a refusé de se porter sur le Tésin et qu’il a préféré venir ici. — Je me retirai en le priant de féliciter le roi sur ses belles résolutions, et en lui répétant que la tranquillité publique était intéressée à ce qu’il y persistât.

Le comité de défense avait employé toute cette journée à faire rentrer dans la ville des provisions de bouche et des munitions de guerre ; on y avait aussi appelé des ouvriers et des soldats des campagnes. La petite ville de Monza, celles de Como, de Lecco et de Varèse, nous avaient envoyé leurs gardes nationaux, et nous savions que les populations entières des montagnes voisines s’apprêtaient à nous venir en aide. Les paysans des villages environnant Milan arrivaient en foule pour travailler aux fortifications, qui s’élevaient rapidement. La vaste place d’armes qui s’étend devant le château était transformée en un camp fortifié entrecoupé de fossés, de redoutes et de palissades. Les remparts aussi étaient prêts à recevoir et à repousser l’ennemi ; les arbres qui en faisaient une ravissante promenade avaient été coupés, puis convertis en palissades, et des meurtrières avaient été pratiquées dans les parapets pour y recevoir des canons. Les maisons avaient été mises en état de défense, et nos principaux édifices étaient gardés par des forces imposantes. Plusieurs grandes salles des palais Borromeo et Litta étaient remplies de balles et de boulets. Les poudrières, situées à peu de distance de la ville, avaient été vidées, et le contenu ajouté aux dépôts qui existaient de tout temps à Milan. Ces approvisionnemens, bien que très considérables, pouvant paraître insuffisans pour un long siège et des attaques multipliées, le comité avait fait venir de la Suisse soixante mille kilogrammes de poudre. A l’exception de deux ou trois portes donnant sur les routes par lesquelles l’ennemi était attendu, et qui avaient été murées pour plus de sûreté, les autres demeuraient encore ouvertes et laissaient par conséquent passer de longs convois de vivres. D’ailleurs, chaque famille jouissant de quelque aisance s’était approvisionnée pour plus d’un mois, et la pensée du superflu était bien loin de tous les esprits. Il faut avouer cependant que le comité de défense n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires en pareil cas. Il eût dû, par