Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à relever une cause compromise. Je ne fus pas écoutée ; mais je ne perdis pas courage, et je me décidai à tenter presque seule ce que des constitutionnels trop timides avaient déclaré impossible.

L’expérience m’avait appris ce qu’une idée juste gagne à se servir sans relâche de tous les modes de propagation et de publicité. Quelques amis partageant à cet égard ma manière de voir, nous nous efforçâmes de faire accepter, en les répétant sans cesse, des vérités que notre pays avait pour le moment un intérêt essentiel à ne pas méconnaître. Nous disions que ce qu’il nous fallait d’abord, c’était une armée capable de nous délivrer des Autrichiens ; que pareille armée n’existait qu’en Piémont, ce qui rendait nécessaire notre union avec ce pays ; que, l’esprit de la nation piémontaise étant éminemment monarchique, nous ne pouvions accomplir cette union qu’en adoptant pour forme de gouvernement la monarchie constitutionnelle. Après deux ou trois semaines de discussion verbale, nous publiâmes un journal intitulé le Crociato, qui devint l’organe d’une nuance des constitutionnels. Je fis paraître aussi deux courts écrits sur la forme de gouvernement la plus favorable à notre affranchissement. L’accueil fait à ces publications, de fort peu d’importance en elles-mêmes, démontra suffisamment que le parti républicain n’était ni aussi considérable ni aussi contraire à toute transaction qu’on le supposait. La question une fois posée sur ce terrain : — la Lombardie doit-elle s’unir au Piémont, ou former à elle seule un état indépendant ? — fut bientôt et presque unanimement résolue dans le sens de l’union avec le Piémont. Cette solution impliquait l’adoption du gouvernement constitutionnel et assurait ainsi le triomphe de la monarchie représentative, puisque les opinions contraires croyaient devoir ou se condamner au silence ou se rallier transitoirement à l’opinion constitutionnelle. Quelques jours de discussion avaient ainsi mis en évidence la très grande majorité qui était acquise à cette dernière opinion. On fit hommage de ce résultat au bon sens national, qui s’était promptement converti au système monarchique. La vérité est que le bon sens national n’avait jamais perdu de vue les avantages réels qui résultaient pour la Lombardie de son union avec le Piémont.

La question paraissait donc vidée, et le gouvernement provisoire voyait ainsi disparaître une des grandes difficultés de la situation ; mais ses actes imprudens ne tardèrent pas à lui créer de nouveaux obstacles. Au moment où le besoin de l’union se faisait sentir à tous les partis, une suite de mesures maladroites vint rétablir d’anciennes divisions et réveiller partout l’inquiétude. Pendant quelques jours, Milan reprit confiance, se reposant sur la force des armées réunies de la Lombardie et du Piémont, ainsi que sur les promesses formelles du roi. Bientôt cependant il fut impossible de persister dans cette confiance. Les employés n’étaient plus payés qu’à de rares intervalles et par de