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venaient les surprendre loin de l’ennemi. C’est surtout l’armée piémontaise qui eut à se plaindre du gouvernement provisoire. Les autorités communales, qui avaient été maintenues dans leurs fonctions, étaient pour la plupart aux gages de l’Autriche, de sorte que les vivres destinés aux Piémontais furent très souvent livrés aux Autrichiens. En même temps, aucune manœuvre de l’armée italienne n’échappait aux espions de Radetzky. De là une défiance qui devait bientôt séparer fatalement deux peuples dont l’union importait au salut de l’Italie.

Du côté de la frontière, défendue par nos volontaires si dédaignés, la guerre avait un autre caractère. Il faut le dire à la louange des jeunes légions italiennes, les seuls passages à travers lesquels aucun Autrichien ne put se frayer un chemin, ce furent les défilés des Alpes tyroliennes, placés sous leur garde, dominant Brescia, Bergame et Salo. On accusait, il est vrai, les volontaires de manquer de discipline et d’unité dans leurs mouvemens. Pendant plusieurs jours, en effet, après l’ouverture des hostilités, les commandans Mannara, Anfossi, Thamberg, Griffini, Torre, Borri et Arcioini avaient été livrés à leurs propres inspirations, et chacun avait pu diriger ses colonnes comme bon lui semblait. Enfin, le bruit s’étant répandu que le Tyrol avait été occupé par nos volontaires, la crainte d’agir contrairement au droit des gens et d’attirer sur lui-même le courroux de la diète de Francfort décida le gouvernement provisoire de Milan à investir du commandement des colonnes de la frontière le général Allemandi, Piémontais d’origine, mais dont la Suisse était la patrie d’adoption. Les marches et contre-marches inexplicables qui furent exécutées sous les ordres de ce général, et dont les suites furent souvent désastreuses, firent bientôt crier à la trahison. Je ne rapporterai qu’un seul des faits qu’on mit en avant contre le général Allemandi.

Dans les premiers jours d’avril, quelques volontaires de la colonne Mannara s’étaient attardés dans le village de Castel-Nuovo, situé à quelques toises du lac de Garda, du côté de la grande route de Milan à Venise. Surpris pendant la nuit par un corps d’Autrichiens qui leur était dix fois supérieur en nombre, les volontaires lombards réussirent, à force de bravoure et de sang-froid, à se dégager en bon ordre du cercle fatal qui les enfermait ; mais Castel-Nuovo restait, et les Autrichiens résolurent d’assouvir leur rage sur les habitans. Le bruit de la fusillade et du tocsin ne tarda pas à avertir le corps des volontaires, campé à Riva, sur les bords du lac, que l’on se battait du côté de Castel-Nuovo. Le général Allemandi se décida à envoyer quelques hommes au secours de ce malheureux village. Tous les volontaires sont en un instant rassemblés et prêts à partir. Ils reçoivent des complimens sur leur zèle et l’ordre de s’embarquer sur un bateau à vapeur qui va les transporter à quelques pas de Castel-Nuovo. On part ; ces volontaires