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solaire. La lumière blanche, la lumière du soleil, résulte de la réunion d’un certain nombre de rayons diversement colorés dont l’impression simultanée sur notre œil produit la sensation du blanc. Si l’on dirige, en effet, un rayon de soleil sur un verre transparent taillé en prisme, les différens rayons composant ce faisceau de lumière sont inégalement réfractés dans l’intérieur du verre ; au sortir du prisme, ils se séparent les uns des autres, ils divergent en éventail et viennent former, sur l’écran où on les reçoit, une image oblongue où l’on trouve isolées toutes les couleurs simples qui composent la lumière blanche ; on y voit assez nettement indiqués le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo et le violet. On donne le nom de spectre solaire à cette bande colorée qui provient de la décomposition de la lumière. C’est là l’image que M. Becquerel a imprimée d’une manière durable sur une plaque d’argent qu’il avait préalablement exposée à l’action du chlore. Ce fait suffit évidemment pour prouver que la reproduction photogénée des couleurs est une opération désormais réalisable, car il fait voir qu’il existe des agens chimiques capables de s’impressionner au contact des rayons lumineux de manière à conserver les teintes des rayons qui les ont frappés.

Il ne faudrait pas cependant s’exagérer les conséquences de ce fait. L’observation de M. Becquerel présente une valeur théorique de premier ordre, mais elle ne fournit encore aucun moyen pratique d’arriver à la reproduction des couleurs. En effet, cette image colorée n’a pu être fixée par aucun agent chimique ; par conséquent, lorsqu’on l’expose à la clarté du jour, le chlorure d’argent continuant à s’impressionner, toute la surface de la plaque devient noire, et tout s’évanouit ; pour l’empêcher de se détruire, il faut la conserver dans une obscurité complète. Une autre circonstance défavorable, c’est l’extrême lenteur avec laquelle s’accomplit l’impression lumineuse. L’action directe du soleil s’exerçant pendant deux heures est indispensable pour obtenir un résultat ; aussi les images de la chambre obscure seraient-elles trop faiblement éclairées pour agir ainsi sur la plaque ; des journées entières n’y suffiraient pas. Enfin, il faut mentionner encore une circonstance plus grave. Les couleurs simples, les teintes isolées du spectre sont jusqu’ici les seules que l’on ait pu fixer ; les teintes composées, c’est-à-dire toutes celles qui appartiennent aux objets éclairés par la lumière ordinaire, ne s’impriment jamais sur le chlorure d’argent. Les objets blancs, par exemple, au lieu de laisser sur la plaque une teinte correspondante, s’y impriment en noir.

Ainsi, le fait découvert par M. Becquerel est loin de justifier toutes les espérances que l’on a pu concevoir à ce sujet. Il démontre seulement, contrairement à tout ce que l’on avait pensé jusqu’ici, que le problème de la reproduction photogénée des couleurs pourra recevoir