Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le dessin sur papier. Niepce, au début de ses travaux, avait dirigé dans ce sens des recherches qu’il fut ensuite forcé d’abandonner. Avant lui, en 1802, Humphry Davy, dont le nom se retrouve à l’origine de toutes les grandes inventions modernes, s’en était occupé de concert avec Wedgevood. Ils avaient réussi à obtenir sur du papier enduit de nitrate d’argent des reproductions de gravures et d’objets transparens. Ils avaient essayé de fixer aussi les images de la chambre obscure ; mais la faible sensibilité du sel d’argent leur avait opposé un obstacle insurmontable. On n’obtenait d’ailleurs ainsi, à proprement parler, que des silhouettes ou des images inverses, dans lesquelles les noirs du modèle étaient représentés par des blancs, et vice versa. En outre, le dessin obtenu, on n’avait pas réussi à le préserver de l’altération consécutive de la lumière ; abandonnée à la clarté du jour, l’image noircissait complètement, car le sel d’argent non influencé noircissait à son tour et ensevelissait le dessin. On ne pouvait donc examiner ces productions éphémères que dans l’obscurité, en s’aidant de la faible lueur d’une lampe[1].

M. Talbot parvint à surmonter tous ces obstacles ; il résolut complétement la double difficulté de fixer sur le papier les images de la chambre obscure et de les préserver de toute altération ultérieure. En 1839, il se disposait à mettre sa découverte au jour, lorsqu’il fut surpris par la publication imprévue des résultats de M. Daguerre. Il fit connaître cependant, quelques mois après, l’ensemble de ses méthodes. En 1841, il compléta ses descriptions dans une lettre adressée à l’Académie des Sciences de Paris ; mais l’attention était dirigée d’un autre côté, et l’annonce du physicien anglais ne fit en France aucune sensation. Quelques personnes essayèrent de répéter ses procédés, divers essais infructueux firent croire que M. Talbot n’avait dit son secret qu’à moitié, et peu à peu la photographie sur papier tomba parmi nous dans un complet oubli. Seulement quelques artistes nomades, munis de quelques renseignemens plus ou moins précis, parcouraient la province, vendant aux amateurs le secret de cette nouvelle branche de la photographie. C’est dans ces circonstances que M. Blanquart fit paraître son mémoire. Il y reproduisait, sauf quelques modifications, le procédé de M. Talbot ; seulement ses descriptions étaient beaucoup plus précises et plus complètes que celles du physicien anglais. Tel est l’historique fidèle de la découverte de la photographie sur papier. C’était pour nous un devoir que de bien établir à ce sujet les droits méconnus d’un savant étranger, assez malheureux déjà d’avoir été devancé dans sa découverte par M. Daguerre pour que l’on respecte au

  1. Description d’un procédé pour copier des peintures sur verre et pour faire des silhouettes par l’action de la lumière sur le nitrate d’argent. (Journal de l’Institution royale de Londres, t. 1, page 170, 1802.)